LA POLITIQUE
PORTUAIRE FRANCAISE
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B. - LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE PORTUAIRE DE
L’ETAT
L’Etat n’est qu’un acteur parmi
d’autres tels que les r'gions, les d'partements ou les 'tablissements publics. La
d'finition d’une strat'gie claire de sa part, quant ' l’'tendue de son
r'le, ses priorit's et son organisation, est d's lors encore plus essentielle pour lui
permettre de coordonner et mettre en œuvre des orientations nationales.
Cette strat'gie peut 'tre appr'ci'e au regard de la
d'termination des r'les des diff'rents partenaires 'tablie, en 1990, par le ministre
de l’'quipement, du logement, des transports et de la mer. (13) ' Il n’y
a aucune contradiction, du point de vue de la politique portuaire, entre les missions de
l’Etat et l’appel ' un v'ritable esprit d’initiative de la place
portuaire :
- ' l’Etat, la d'finition du cadre, les missions
d’arbitrage et d’impulsion, le choix des sites portuaires et des grands axes
structurants de dessertes terrestres ainsi que l’aide financi're aux infrastructures
de base (investissements et entretien) ;
- aux places portuaires, la politique commerciale,
l’initiative permanente, l’imagination pour d'finir une strat'gie commerciale,
pr'ciser les cibles vis'es, mettre en œuvre les actions n'cessaires et pr'senter
aux clients, armateurs et chargeurs, des offres attractives.
C’est ce que nous avons appel' la politique du
' port par port ' (...), mais cela ne signifie en aucun cas que dans le m'me
temps l’Etat songe ' r'duire ou 'luder les responsabilit's qu’il
d'tient '.
1' L’absence de politique portuaire nationale
a) Les intentions successivement affich'es
Certes, des projets de r'forme portuaire ont 't' '
plusieurs reprises ' l’ordre du jour des travaux de l’administration charg'e
des ports, mais ils n’ont pas r'ellement abouti et surtout n’ont pas conduit
l’Etat ' d'finir de fa'on coh'rente sa politique ' l’'gard des ports
autonomes.
Le plan de modernisation de la fili're portuaire de
1991
Ce plan, pr'sent' le 26 novembre 1991 '
l’occasion de la r'forme de la loi de 1947 sur la manutention portuaire, comportait
trois volets principaux.
Un premier volet concernait l’adaptation de la
manutention, accompagn'e d’un plan social important.
Un second volet visait ' d'velopper les dessertes
terrestres des ports, la priorit' - affirm'e par le conseil interminist'riel de la mer
du 21 novembre 1991 - 'tant donn'e par le gouvernement aux infrastructures desservant
les fa'ades maritimes, afin de faciliter l’acc's des ports aux grands sites
industriels et logistiques europ'ens. Les d'cisions concernaient en particulier les
liaisons suivantes : rocade autorouti're Dunkerque-Calais-Boulogne en 1993, autoroute
reliant Le Havre au complexe autoroutier du nord et de l’est en 1994, mise au gabarit
' B ' des lignes ferroviaires Le Havre-Paris et Bordeaux-Marseille en 1994,
g'n'ralisation de liaisons fr'quentes et r'guli'res de trains de conteneurs et
d'veloppement du transport combin' de conteneurs.
Le troisi'me volet concernait une double modernisation :
d’une part, une modernisation de la gestion des ports, par l’augmentation des
capacit's financi'res des ports autonomes (baisse du taux de r'mun'ration de
l’Etat sur les dotations en capital) et l’all'gement des proc'dures
administratives et douani'res ; d’autre part, une modernisation du domaine public
portuaire, en permettant l’investissement priv' sans mettre en cause le caract're
public des 'tablissements et concessions portuaires. Sur ce dernier point, une
modification du cahier des charges des concessions d’outillage public portuaire - '
l’'tude depuis le d'but des ann'es quatre-vingt - 'tait pr'vue mais, fin 1998,
elle n’'tait toujours pas adopt'e. Un projet de loi relatif au domaine, qui devait
'tre d'pos' au printemps 1992, ne sera adopt' qu’en 1994.
Cette r'forme portuaire avait 't' l’occasion
d’une r'flexion sur les enjeux et l’avenir des ports fran'ais. Le dossier de
pr'sentation des enjeux de la r'forme mettait notamment l’accent sur plusieurs
points : le r'le des ports pour le commerce ext'rieur de la France et comme outils de
d'veloppement local, le r'le des ports non autonomes et l’'tat satisfaisant de
l’'quipement technique des ports en mati're d’infrastructures.
Dans les faits, pourtant, au-del' de la loi de 1992
relative au r'gime de travail de la manutention portuaire et d’une refonte partielle
du cadre juridique relatif au domaine, dont on verra les limites, cette r'forme n’a
pas 't' men'e ' son terme.
La r'forme portuaire annonc'e en 1995-1997
Un nouveau projet de r'forme portuaire 'tait annonc'
en 1995, dont les orientations ont 't' fix'es par le comit' interminist'riel de la
mer du 4 juillet 1996. Un projet de loi d’orientation a de fait 't' d'battu au
sein des administrations en 1995-1996, pour aboutir ' la conclusion que peu de questions
m'ritaient une modification de nature l'gislative. Un avant-projet de loi 'tait pr't
en d'cembre 1996. Des am'liorations fonctionnelles ont 't' pr'par'es sous forme de
d'cret et d’arr't's, qui n’ont n'anmoins pas abouti pour l’essentiel.
En vue du ' renforcement de la comp'titivit'
portuaire ', les objectifs pr'sent's dans une note interne du 19 novembre 1996
s’articulaient autour de six th'mes, corr'l's ' une s'rie de mesures :
- renforcer l’int'gration des ports entre eux, et
dans les rouages 'conomiques et logistiques ;
- moderniser la gestion des ports ;
- mieux impliquer tous les acteurs dans une strat'gie claire de d'veloppement des places
portuaires ;
- dynamiser les professions concourant au passage portuaire et attirer de nouvelles
entreprises dans les zones portuaires ;
- simplifier les pratiques administratives ;
- assurer la coh'rence des am'nagements portuaires et mettre ' niveau leur desserte
terrestre.
Le seul 'l'ment concret qui soit effectivement ressorti
de ces projets concerne l’'laboration de quelques ' chartes de place
portuaire ', en application d’une circulaire du Premier ministre du
19 avril 1995 et ' la suite du comit' interminist'riel d'am'nagement du
territoire de Troyes du 20 septembre 1994. Onze chartes ont 't' approuv'es par le CIAT,
qui concernent Dieppe, Cherbourg, Brest, Concarneau, Lorient, La Rochelle, Bayonne, Le
Havre, Rouen, Caen-Ouistreham et Marseille.
Parall'lement, dans le cadre de la loi de 1995 sur
l’am'nagement du territoire, une r'flexion 'tait men'e sur un sch'ma
d’am'nagement des ports maritimes. Il s’agissait d’'valuer les
perspectives de croissance par trafic ' l’horizon 2015 et de hi'rarchiser les
vocations des diff'rents ports, pour en tirer les cons'quences en mati're
d’entretien, d’am'nagement et d’investissement. Dans une note de juin 1996
pr'paratoire ' ce sch'ma, la direction charg'e des ports reconnaissait elle-m'me
l’enjeu de cette d'marche : ' alors que les autres modes de transport
(routier, ferroviaire, combin' ' rail-route ', fluvial) ont, depuis
longtemps, engag' des d'marches de programmation ou d’orientations strat'giques,
soit sous la forme de sch'mas directeurs d’am'nagement, soit sous la forme de
grandes lois ' cadre ', telle la loi d’orientation sur les transports
int'rieurs (...), les ports maritimes n’ont pas, jusqu’' pr'sent, satisfait
' cette d'marche. ' Cette m'me note rappelait que ' l’Etat doit,
d’abord, afficher clairement ce qu’il veut faire et mettre en œuvre une
strat'gie coh'rente d’am'nagement. '
Toutefois, cette r'flexion a 't' interrompue et les
travaux effectu's par la direction charg'e des ports n’ont gu're 't' utilis's
par les pouvoirs publics. Il est d'sormais pr'vu de remplacer ce sch'ma sectoriel par
l’'laboration d’un sch'ma de services de transport de marchandises,
conform'ment aux orientations retenues par le comit' interminist'riel
d’am'nagement du territoire du 15 d'cembre 1997. Ce dernier sch'ma n’a
pas encore vu le jour.
Les projets en cours en 1998-1999
A nouveau, ' l’occasion du d'bat sur le projet
de loi de finances pour 1998, le ministre de l’'quipement, des transports et du
logement a d'clar' vouloir relancer le processus de r'forme portuaire. Un comit'
interminist'riel de la mer a 't' r'uni le 1er avril 1998. Afin d’am'liorer la
comp'titivit' des ports fran'ais, diverses mesures, dont certaines reprenaient les
projets non aboutis de 1997, ont 't' envisag'es, concernant le co't du passage
portuaire, la responsabilisation des acteurs et l’accueil des marchandises.
Une r'duction du co't du passage portuaire est
recherch'e au moyen de l’exon'ration de la taxe professionnelle des entreprises de
manutention, du d'part de dockers inaptes en contrepartie de l’embauche de jeunes,
de l’am'lioration de la comp'titivit' des professions du remorquage et du pilotage
(contrats d’objectifs locaux avec chaque profession, comportant des engagements
tarifaires), et de l’am'lioration de la qualit' de la desserte terrestre.
L’exon'ration de la taxe professionnelle pour les 'quipements sp'cifiques de
manutention et d’outillage portuaire vise ' faciliter le transfert progressif aux
op'rateurs priv's du financement et de la gestion des outillages portuaires. Enfin, une
'tude sur l’impact des taxes parafiscales sur le trafic des ports a 't' engag'e.
La responsabilisation des acteurs portuaires devait 'tre
am'lior'e par la mise en place de comit's d’hygi'ne et de s'curit' et de
comit's d’entreprise dans les ports, par l’augmentation du nombre des
repr'sentants salari's dans les conseils d’administration, par la simplification
des proc'dures de prises de participation des ports et par des dispositions visant '
moderniser la gestion des ports (d'cisions d'concentr'es, cahier des charges de
concession).
L’am'lioration des conditions d’accueil des
marchandises 'tant recherch'e par la poursuite du plan ' douanes-ports ',
l’harmonisation des contr'les v't'rinaires et phytosanitaires,
l’acc'l'ration des proc'dures de restitutions ' l’exportation du FEOGA et la
modification des conditions d’exercice de la police portuaire.
Ainsi donc, les ann'es quatre-vingt dix ont 't'
marqu'es par une succession d’annonces de mesures portuaires rest'es '
l’'tat de projets, demeur's en outre ponctuels et dispers's car ils ne
s’appuyaient pas sur une r'flexion en profondeur sur les objectifs de la politique
portuaire de l’Etat.
De nombreux rapports, mais peu de suites effectives
En r'alit', les nombreux rapports publics ou internes
de r'flexion produits sur les questions portuaires n’ont gu're 't' suivis
d’effet :
- d'cembre 1986, ' la fili're portuaire
fran'aise ', rapport pr'sent' par M. Dupuydauby ;
- avril 1993, ' Les ports maritimes et fluviaux, leur
place dans l’'conomie fran'aise et leur r'le dans l’am'nagement du
territoire ', rapport du conseil 'conomique et social, qui d'non'ait d'j'
l’absence d’une v'ritable politique portuaire nationale ;
- septembre 1995, rapport r'alis' par M. Dupuydauby,
pr'sident du conseil national des communaut's portuaires ;
- juillet 1995, ' une structure de gouvernement pour
la mer ', par M. Dujardin ;
- septembre 1995, ' pour une strat'gie coordonn'e
des ports du Havre, de Rouen et de Dieppe ', rapport pr'sent' par M. Franck,
ing'nieur g'n'ral des ponts et chauss'es ;
- septembre 1996, ' la desserte terrestre des ports
maritimes ', par M. Belmain ;
- janvier 1997, ' pour un plan d’urgence au
service des ports fran'ais et du commerce international ', document 'labor' par
les professionnels maritimes et portuaires regroup's au sein du ' groupement
interprofessionnel portuaire ', qui tra'tait du co't d’escale d’un
navire, de la main d’œuvre portuaire et des transports d’approche terrestre
;
- 1997, mission sur les professions du pilotage et du
remorquage confi'e ' Mme Simon-Rovetto, inspecteur g'n'ral des 'tablissements
administratifs et scolaires maritimes, dont les mesures pr'conis'es sont en cours de
mise en œuvre.
Ainsi, hormis les questions relatives ' la manutention et
' la domanialit', sujet au demeurant partiellement portuaire, l’Etat n’a
jamais su ou pu aller au-del' de l’affichage d’une volont' de r'forme des
ports.
b) Le manque de stabilit' et de moyens des structures
administratives centrales
L’organisation de l’administration centrale
charg'e des ports ne facilite pas l’'laboration d’une politique portuaire
coh'rente.
Un manque de stabilit'
La coordination de l’action de l’Etat en mati're
maritime a 't' organis'e par le d'cret du 2 ao't 1978 portant cr'ation du comit'
interminist'riel de la mer, qui devait se r'unir au moins deux fois par an, et de la
mission interminist'rielle de la mer, plac'e sous l’autorit' du Premier ministre
et ' qui incombait de pr'parer les d'lib'rations et de veiller ' l’ex'cution
des d'cisions prises par le comit'. Un minist're d'l'gu' ' la mer aupr's du
Premier ministre, cr'' par un d'cret du 5 juin 1981, disposait de la mission
interminist'rielle et son titulaire pr'sidait le comit' interminist'riel de la mer.
Ces attributions ont 't' successivement d'volues en 1983 ' un secr'taire d’Etat
aupr's du ministre des transports, en 1986 ' un secr'taire d’Etat rattach' au
Premier ministre, en 1988 ' un ministre d'l'gu' aupr's du ministre charg' des
transports, puis en 1991 et 1992 ' un secr'taire d’Etat aupr's du m'me ministre.
En 1993, la mission interminist'rielle de la mer fut directement rattach'e au Premier
ministre.
Ces mouvements rel'vent certes de d'cisions sujettes aux
al'as de la conjoncture politique et sont donc difficilement ma'trisables. Toutefois,
ils n’ont pu avoir qu’un effet n'gatif sur la coordination interminist'rielle,
pourtant tr's n'cessaire en mati're de transports.
La reprise des r'unions du comit' interminist'riel de la
mer ' un rythme annuel depuis 1995 n’a pas pour autant conduit ' red'finir une
politique portuaire. Le comit' interminist'riel est dans les faits d'pourvu d’une
vision strat'gique qui d'coulerait des objectifs que l’Etat aurait clairement
choisis en mati're portuaire.
Le d'cret du 2 ao't 1978 a 't' abrog' par le d'cret
du 22 novembre 1995, qui a rempla'' la mission interminist'rielle par un secr'tariat
g'n'ral de la mer, charg' de coordonner l’action de l’Etat en mati're
maritime. Son instauration a pris du temps. Par la suite, la direction des ports et de la
navigation maritime et la direction de la flotte de commerce ont 't' regroup'es dans
une seule direction du transport maritime, des ports et du littoral (DTMPL) d'but 1997.
Ces restructurations n’ont pas 't' accompagn'es d’une r'flexion sur les
missions et les moyens de l’administration centrale en mati're portuaire, tant
vis-'-vis des autres directions du minist're des transports que des 'tablissements
plac's sous sa tutelle.
Un manque de moyens
Les services charg's des affaires portuaires ne
b'n'ficient pas de la part des organismes techniques d'pendant du minist're de
l’'quipement de l’appui qui leur serait n'cessaire, hormis celui du service
'conomique et statistique de la direction des affaires 'conomiques et internationales
(DAEI), qui a succ'd' ' l’observatoire 'conomique et statistique des transports.
L’Institut national de recherche sur les transports et leur s'curit' (INRETS)
concentre son activit' sur les transports terrestres et leur s'curit'. Les organismes
consultatifs sont insuffisamment mis ' contribution par les pouvoirs publics pour
'tudier les probl'mes li's aux 'quipements portuaires. Le conseil national des
transports, pour sa part, s’est jusqu’' maintenant focalis' sur les transports
terrestres, et plus particuli'rement routiers. De sorte que pour pallier cette absence de
p'le d’expertise, la direction charg'e des ports doit faire appel - mais elle ne
peut le faire ' tout propos - ' des interventions du conseil g'n'ral des ponts et
chauss'es et de l’inspection g'n'rale des finances.
Dans la r'alit', on doit constater en outre que la
direction charg'e des ports ne dispose pas de donn'es satisfaisantes, coh'rentes ou
faciles d’acc's sur les trafics des ports fran'ais ou sur le montant de leurs
investissements (cf. encadr').
Le manque de pr'cision et de coh'rence des
informations
de la direction du transport maritime, des ports et du littoral
concernant l’activit' et les investissements des ports
1. Trafic des ports fran'ais
Pour mesurer le trafic des ports fran'ais, la mission
des 'tudes 'conomiques, de la recherche et des statistiques de la DTMPL produit
plusieurs documents diff'rents, dont les chiffres ne co'ncident pas syst'matiquement
compte tenu de la diversit' des champs d’analyse retenus (exemple donn' ci-dessous
pour le trafic total de 1994).
w Un bulletin mensuel de statistiques des ports maritimes
de commerce est produit. Il alimente le rapport annuel du contr'leur d’Etat. Le
champ de ce suivi mensuel ne comprend que 19 ports m'tropolitains et trois ports
d’outre-mer. Selon lui, le trafic total pour 1994 est de 303,94 Mt.
w Un annuaire statistique annuel est publi' sous le titre
de ' r'sultats de l’exploitation des ports maritimes '. Il pr'sente
l’int'r't de donner des s'ries remontant ' 1965. En revanche, il ne para't que
tr's tardivement : le seul exemplaire disponible en 1998 concernait l’ann'e 1994.
En outre, ce qui para't 'tonnant, son champ ne concerne que les ports m'tropolitains.
Selon cet annuaire, le trafic total pour 1994 (ports m'tropolitains seulement) atteint
303,48 Mt.
w Un bilan d’activit' des ports de commerce est
'tabli chaque ann'e. Son champ couvre l’ensemble des ports, y compris les ports
d'partementaux. Toutefois, les donn'es relatives ' ces derniers ne sont disponibles que
tr's tardivement, soit plus de neuf mois apr's la fin d’un exercice. Selon cette
source, le trafic total des ports fran'ais pour 1994 est de 311,90 Mt, dont 4,74 Mt pour
les ports d'partementaux
w Enfin, des statistiques r'trospectives (' compter de
1984) de trafic sont communiqu'es au comit' des investissements ' caract're
'conomique et social. Elles ne comprennent aucune donn'e sur les ports d’outre-mer
et comportent parfois des incoh'rences entre le trafic total et la somme des trafics par
cat'gorie de marchandises. En outre, le trafic total des ports autonomes m'tropolitains
diff're parfois de celui figurant dans le bilan annuel d’activit' et dans le
rapport annuel du contr'le d’Etat.
Au total, la DTMPL ne dispose pas de tableau de bord unique
de l’activit' des ports fran'ais. La diversit' de traitement des donn'es aboutit
' des incoh'rences, entra'ne des pertes d’'nergie et appara't peu justifi'e,
surtout au regard de la faiblesse des moyens de la direction.
2. Investissements des ports fran'ais
Les donn'es concernant les investissements des ports,
fondamentales pour 'clairer l’action de l’Etat, sont insuffisamment fiables, et
non retrait'es par l’administration centrale.
Elles reposent en effet sur le montant des investissements
tel qu’il figure dans les comptes des ports. Or les pratiques comptables divergent
d’un port ' l’autre, par exemple selon que des d'penses de grosses
r'parations sont ou non incluses dans les immobilisations. La Cour a relev' ' plusieurs
reprises cette lacune majeure de l’information de l’Etat.
D’une part, cette d'faillance rend inop'rante toute
comparaison dans l’espace, entre ports, et toute analyse de l’'volution des
investissements r'alis's par les ports dans le temps. En cons'quence, les analyses
annuelles pr'sent'es tant par le contr'le d’Etat, que par le comit' des
investissements ' caract're 'conomique et social ou les comptes des transports de la
nation sont fauss'es.
D’autre part et en cons'quence, elle biaise les
d'cisions 'conomiques et budg'taires de l’Etat et les analyses du comit' des
investissements ' caract're 'conomique et social.
Enfin, comme dans d’autres secteurs des transports,
ces chiffres ne sont pas r'guli'rement rapproch's du suivi des op'rations comprises
dans les contrats de plan Etat-r'gion.
La faiblesse des moyens des services de
l’administration centrale charg's de la mer ne leur permet pas de participer
activement aux travaux europ'ens sur la concurrence portuaire, tant en ce qui concerne
les contentieux europ'ens que les d'cisions relatives aux corridors de fret, suivies par
la seule direction des transports terrestres.
Ainsi, comme on l’a mentionn' pr'c'demment, Irish
Ferries a port' en novembre 1994 devant la Commission europ'enne son conflit avec la
chambre de commerce et d’industrie de Morlaix pour l’ouverture d’une ligne
transmanche vers l’Irlande ' partir du port de Roscoff. Alors que ce contentieux
opposait la CCI, 'tablissement public de l’Etat, concessionnaire de service public,
' une soci't' 'trang're, la CCI de Morlaix n’a re'u aucun soutien technique et
juridique ni orientation quelconque de la part de la direction charg'e des ports, ni du
secr'tariat g'n'ral du comit' interminist'riel pour les questions 'conomiques
europ'ennes (SGCI), ni de la repr'sentation permanente de la France aupr's des
communaut's europ'ennes. Pourtant, le pr'sident de la CCI avait appel'
l’attention du ministre des transports sur cette affaire par lettre du 10 janvier
1995, en demandant ' ' conna'tre pr'cis'ment [ sa] position, comme celle de
l’autorit' conc'dante [ le d'partement du Finist're] , afin d’en tenir
compte dans les prochaines r'ponses [ qu’il devrait] apporter ' Irish
Ferries ', sans obtenir de r'action, et sans que l’on puisse savoir si ce
silence 'tait le fait de l’indiff'rence, du manque de moyens ou d’un choix
d'lib'r' de ne pas d'fendre la CCI.
2' La coordination des acteurs publics
L’administration charg'e de la mer ne s’est pas
donn', ou n’a pu se donner, les moyens de fixer certaines orientations aux autres
acteurs publics concern's par la politique portuaire. Pourtant, le principe et la
n'cessit' de cette responsabilit' premi're de l’Etat sont rappel's par
l’article L. 111-1 du code des ports maritimes, aux termes duquel, ' dans
le cadre de la politique g'n'rale 'tablie par le gouvernement, chacun de ces
'tablissements publics a pour objet d’assurer la gestion d’un port ou d’un
groupement de ports '.
a) La coh'rence entre secteurs de la politique des
transports (politique ferroviaire, fluviale, routi're et autorouti're)
Un des facteurs essentiels de la comp'titivit' de la
cha'ne de transport r'side dans une bonne articulation des transports terrestres,
fluviaux et maritimes.
w Or l’absence de politique globale des transports,
relev'e par la Cour dans d’autres secteurs des transports, affecte encore plus les
choix de l’Etat ' l’'gard des ports maritimes. Il convient de souligner ici
que, si le principe d’une politique globale des transports a 't' pos' par la loi
d’orientation des transports int'rieurs du 30 d'cembre 1982, le terme m'me de
' transports int'rieurs ' exclut de son champ les ports maritimes.
La loi d’orientation n' 95-115 du 4 f'vrier 1995 a
pr'vu l’'laboration d’un sch'ma national d’am'nagement et de
d'veloppement ' 'ch'ance 2015, ainsi que des sch'mas sectoriels correspondants, dont
un sch'ma national des ports. Selon son article 18-IV, ' le sch'ma des ports
maritimes d'finit les grandes orientations de l’organisation portuaire, eu 'gard '
leurs diff'rentes vocations, et conforte le d'veloppement ' moyen terme des sites
portuaires, en int'grant leur desserte par rapport ' leur arri're pays '.
Ces sch'mas n’ont pas 't' 'tablis (cf. supra). Un
sch'ma multimodal des services des transports de marchandises devrait se substituer '
ces pr'c'dents projets, conform'ment aux d'cisions du comit' interminist'riel
d’am'nagement du territoire du 15 d'cembre 1997. L’absence
d’avancement de ces projets ne fait que renforcer le constat que l’Etat ne
s’est, jusqu’ici, pas fix' d’objectif r'el quant ' la coordination de
ses politiques routi're, autorouti're, ferroviaire et fluviale avec sa politique
maritime.
Le rapport de M. Belmain sur ' la desserte terrestre
des ports maritimes ' rendu en septembre 1996 a r'it'r' ce constat.
Les structures administratives du minist're de
l’'quipement, des transports et du logement ne facilitent pas une r'flexion globale
sur la politique des transports : elles paraissent m'me y faire obstacle. A la suite du
rapport ' transport 2010 ' du commissariat g'n'ral du plan, puis des
recommandations du groupe de travail pr'sid' par M. Boiteux (' Pour un
meilleur choix des investissements ', 1994), le minist're a certes officialis' en
mars 1995 le comit' des directeurs transports, instance qui existait d'j' de fa'on
informelle. Mais la cellule d’'valuation intermodale recommand'e par le rapport
Boiteux n’a pas 't' mise en place.
En ce qui concerne la politique fluviale, contrairement aux
ports du B'n'lux qui ont depuis longtemps appuy' leur strat'gie de d'veloppement sur
la voie d’eau, la desserte fluviale des ports maritimes fran'ais est tr's r'duite
et n’a pas 't' une priorit' de l’action des pouvoirs publics. Hors produits
p'troliers, le trafic fluvial, principalement constitu' de vracs, repr'sentait 3,3 % du
trafic des ports fran'ais en 1994. Le transport de conteneurs par voie fluviale, m'me
s’il conna't une nette progression ces derni'res ann'es, occupe une place
marginale, malgr' son co't r'duit, sa faible consommation d’'nergie et son impact
mod'r' sur l’environnement. Ainsi, le trafic conteneurs de la Seine est pass' de 5
811 ' 11 355 EVP de 1995 ' 1996 apr's la cr'ation du GIE Logiseine en 1994. Mais il ne
repr'sente qu’1 % des pr' ou post acheminements du Havre, alors que la part de
march' du transport ferroviaire des conteneurs y est de 20 %. Les ports maritimes
relativisent toutefois l’importance du transport fluvial en raison de sa lenteur, qui
p'nalise en particulier les trafics de conteneurs.
En outre, les trafics fluvio-maritimes sont limit's par
les capacit's r'duites des diff'rents bassins, notamment par insuffisance du tirant
d’air des ouvrages d’art du canal Dunkerque - Valenciennes, ou de la hauteur des
ponts et de la largeur des 'cluses au passage dans Lyon. La Seine et le Rh'ne sont
pourtant capables d’accueillir des trafics largement sup'rieurs aux trafics actuels.
Des cellules de partenariat port-voie d’eau, mises en
place par Voies Navigables de France, fonctionnent depuis plusieurs ann'es dans les
principaux ports maritimes b'n'ficiant d’un arri're-pays fluvial, comme Rouen, Le
Havre, Marseille et Dunkerque. N'anmoins, malgr' les progr's obtenus ces derni'res
ann'es, la coop'ration entre ports et op'rateurs fluviaux demeure insuffisante.
Les cons'quences de ce manque de coh'rence sont
co'teuses pour la collectivit' nationale.
Les ports normands constituent un bon exemple de cette
situation. Alors que l’am'lioration des acheminements terrestres du port de Rouen
devait repr'senter des investissements de 87,3 MF selon le plan d’entreprise
1988-1992, les r'alisations se sont limit'es ' 0,2 MF. Le goulot d’'tranglement
de la desserte routi're demeure donc entier, en particulier vers les r'gions
c'r'ali'res de Picardie (N 31) et de la Beauce (N 154). L’absence
d’avancement des projets souligne l’incapacit' de l’Etat ' coordonner et
rendre coh'rents les grands projets et les priorit's fix'es aux diff'rents secteurs
des transports.
De m'me, il est av'r' depuis longtemps que les dessertes
terrestres du Havre ne lui sont pas favorables. Ce port n’est reli' ' la r'gion
parisienne que par une voie autorouti're, proche de la saturation sur une partie du
r'seau. La r'alisation des liaisons autorouti'res A13-Pont de Normandie, A13-A28 et Le
Havre - Dunkerque a pris du retard. Enfin, malgr' l’am'lioration des rapports de la
Compagnie nouvelle des conteneurs (CNC) avec le port du Havre, ce dernier souffre de la
tarification de cette compagnie, qui n’offre des avantages que lors d’un
transport international : le Havre ne peut donc se pr'valoir des avantages dont
b'n'ficient de leur c't' les ports concurrents du B'n'lux.
Les travaux de d'veloppement d’un port rapide aval
engag's d's 1987 pour un montant pr'visionnel total de 1,2 milliard de francs
constituaient pourtant le programme central de la strat'gie de d'veloppement du port du
Havre et auraient d' 'tre accompagn's parall'lement par une am'lioration des
dessertes terrestres. Dans son rapport particulier sur le port autonome du Havre
(1989-1992), la Cour avait d'j' soulign' l’incoh'rence de cette politique suivie
par les autorit's de tutelle qui, en autorisant l’engagement d’investissements
portuaires consid'rables, n’avaient pas cr'' par ailleurs les conditions
essentielles ' leur rentabilit'.
L’exemple du Havre est ainsi caract'ristique de
l’insuffisante coordination des d'cisions publiques en mati're de transports,
r'sultant d’une absence de strat'gie de l’Etat. Cette situation a entra'n'
un refus d’arbitrage en faveur d’un port dont l’activit' 'conomique est
pourtant d'terminante au niveau national. La d'faillance doit 'tre soulign'e, m'me
s’il est vrai qu’une concertation concernant les dessertes ferroviaires et
routi'res d'pend de la validit' des arguments 'conomiques avanc's par les ports, qui
m'riterait sans doute d’'tre renforc'e.
Cette analyse prend tout son poids dans la perspective des
investissements pr'vus pour l’extension du port du Havre dans le cadre du projet
' Port 2000 '. Dans une note de juin 1996 pr'paratoire au sch'ma national
des ports, la direction charg'e des ports reconnaissait elle-m'me : ' si le projet
' port 2000 ' voit le jour, ce projet ne doit pas 'tre analys' sous le seul
prisme portuaire, mais bien dans la globalit' de son environnement 'conomique, incluant
pr'cis'ment les am'liorations ' apporter ' sa desserte terrestre '. Fin
1998, soit trois ans plus tard, alors que la d'cision de prendre en compte ce projet
d’envergure 'tait d'j' arr't'e, les 'tudes visant ' cerner les probl'mes de
desserte li's au projet 'taient peu avanc'es.
La Cour prend acte de la d'cision du comit'
interminist'riel d’am'nagement et de d'veloppement du territoire (CIADT) du 23
juillet 1999, qui a demand' que les investissements pr'vus au contrat du plan
Etat-r'gion visent d’abord l’am'lioration des dessertes des ports de la
Basse-Seine et que les actions tendant ' d'velopper le secteur de la logistique en
accompagnement de Port 2000 soient une priorit' de ce contrat.
De mani're g'n'rale, et ' la suite de ses observations
arr't'es fin 1998, la Cour constate que le gouvernement partage son appr'ciation. Elle
prend acte des orientations prises par CIADT du 15 d'cembre 1998 et d'finies par la
loi n' 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’am'nagement et le
d'veloppement durable du territoire, dans le sens d’une meilleure articulation du
transport maritime aux autres modes. Il importe que ces orientations se traduisent aussi
pour les ports autres que le Havre et qu’un sch'ma des services des transports de
marchandises, pr'vu depuis 1997, visant notamment ' d'finir les axes de d'veloppement
des sites portuaires, soit effectivement 'labor' et mis en œuvre.
b) Le r'le des collectivit's territoriales
La d'centralisation a accru les moyens d’intervention
des collectivit's territoriales, qui participent aux organes de direction des ports et
contribuent au financement des investissements portuaires. Leurs choix locaux, en mati're
de politique urbaine ou de politique des transports, influent directement sur la gestion
portuaire. Compte tenu des enjeux en mati're d’urbanisme, d’am'nagement
r'gional et d’emploi li's ' l’activit' portuaire, les collectivit's
territoriales souhaitent 'tre impliqu'es dans le d'veloppement des ports.
Mais elles interviennent souvent en ordre dispers', alors
que seule la r'gion est comp'tente, et le font parfois en contrevenant aux dispositions
relatives ' la d'centralisation. Surtout, leur action peut conduire ' prendre des
d'cisions d’investissement inadapt'es, pour des projets non prioritaires,
'trangers aux missions des ports, ou qui ne concordent pas avec les d'cisions de
l’Etat.
L’exemple des surco'ts de 30 MF engendr's par
l’acc'l'ration des travaux de r'novation des quais urbains du port autonome de
Rouen dans la perspective de l’' Armada de la libert' ' de 1994, pour
r'pondre ' des besoins exprim's par les seules collectivit's territoriales, est
significatif.
Une infraction notoire aux r'gles encadrant les aides
'conomiques des collectivit's territoriales a 't' relev'e ' Marseille. La ville et
le d'partement ont vers' des subventions d’'quipement de 6,6 MF au port autonome
en 1991, afin que celui-ci consente simultan'ment un rabais tarifaire du m'me montant au
profit des entreprises de r'paration navale, la Compagnie marseillaise de r'paration
(CMR) et Sud marine. En l’occurrence, le secteur de la r'paration navale, sinistr',
'tait d'j' fortement soutenu par le port, ce qui n’a pas emp'ch' la liquidation
de Sud marine en 1991 et le d'p't de bilan de la CMR en 1996. Ce montage financier est
caract'ristique de l’ambigu't' des relations entre les ports et les collectivit's
territoriales et des distorsions qu’elles entra'nent : ces derni'res interviennent
non seulement dans des conditions irr'guli'res, mais conduisent en outre le port '
modifier ses d'cisions dans un sens non conforme ' ses int'r'ts.
Le r'le croissant des collectivit's territoriales est
illustr' par la r'partition des subventions re'ues par le port autonome de Marseille
sur la p'riode 1991-1995 : sur un total de 219 MF de subventions d’investissements,
50 % proviennent de l’Etat, 20 % des fonds structurels europ'ens, 25 % des
collectivit's territoriales - dont 13 % de la r'gion, 11 % du d'partement et 1 %
d’autres collectivit's - et 5 % de diverses sources.
c) La concurrence entre ports fran'ais
Une certaine concurrence entre ports d’un m'me pays
n’est pas n'faste et constitue une incitation ' la comp'titivit' ; elle est en
fait in'vitable d's lors que ces 'tablissements ont une vocation industrielle et
commerciale. Elle doit cependant 'tre encadr'e afin d’'viter des programmes de
d'veloppement par trop incoh'rents. Or la coop'ration entre ports voisins est rarement
la r'gle en France, et les quelques cas de coop'ration existants, pour le fonctionnement
comme pour les investissements, demeurent peu probants, comme le montre l’analyse qui
suit.
La coop'ration en mati're de fonctionnement
La coop'ration des ports normands
Dans ce domaine, les ports de Rouen et du Havre ont
repris r'cemment leur collaboration mise en sommeil pendant plusieurs ann'es. Ces ports
ont beaucoup de points communs : un m'me hinterland, des entreprises qui op'rent sur les
deux ports, un domaine portuaire mitoyen. Ils assurent ' eux seuls 24,4 % du trafic
fran'ais en 1997, soit 18,3 % pour le Havre et 6,1 % pour Rouen. Leurs trafics
sont assez diff'rents et donc compl'mentaires : les hydrocarbures ne repr'sentent
qu’une part marginale du trafic de Rouen, tandis que le Havre est, par exemple,
absent du trafic de c'r'ales. N'anmoins, une concurrence demeure sur certaines
destinations, notamment les lignes r'guli'res vers l’Afrique de l’ouest,
l’Am'rique du sud ou les DOM-TOM. Le Havre est le premier port fran'ais pour les
marchandises diverses et pour les trafics conteneuris's, tandis que Rouen est le
troisi'me pour ces derniers.
Sous l’impulsion du pr'fet de Seine-Maritime, membre
du conseil d’administration des deux 'tablissements, les repr'sentants des deux
ports se sont r'unis le 6 mai 1994 - pour la premi're fois depuis 1990 - ' la demande
des 'lus locaux qui craignaient d’attribuer des subventions pour des actions
concurrentes. Cette r'union n’a pas d'bouch' pour autant sur la renaissance de la
' commission des ports de l’estuaire ', qui r'unissait les
repr'sentants des deux ports de fa'on r'guli're et formelle depuis 1966. Le ministre
de l’'quipement a install' officiellement le 4 mars 1996 une ' commission
interportuaire haute-normande ', compos'e de dix-neuf membres : cinq pour
l’Etat, cinq pour les collectivit's territoriales, quatre pour le port de Rouen,
quatre pour celui du Havre et un pour le port de Dieppe. Elle conserve cependant un
caract're peu op'rationnel et, de ce fait, peu propice ' des prises de d'cision en
commun par les deux ports autonomes.
Un GIE interportuaire Le Havre-Rouen a 't' cr'' et un
' code de bonne conduite ' laborieusement adopt'. Pour les actions '
poursuivre, les recommandations du rapport confidentiel remis en septembre 1995 par
M. G'rard Franck demeurent d’actualit'. Il invite les deux ports autonomes et
'ventuellement le port de Dieppe ' rechercher les domaines de coop'ration : services de
trafic maritime (VTS), dragages, informatique - car Le Havre ne convainc pas Rouen
d’adopter le syst'me ADEMAR -, 'tudes techniques, 'tudes 'conomiques,
s'curit', actions promotionnelles et commerciales - il n’existe pas de messages ni
de documents communs -, promotion de l’espace industriel, d'fense de leurs
int'r'ts communs en mati're de dessertes terrestres.
La Cour prend acte du fait que le gouvernement a charg' en
d'cembre 1998 le commissaire du gouvernement, commun aux trois ports autonomes de la
vall'e de la Seine (Paris, Rouen, Le Havre), de coordonner, en liaison avec le pr'fet de
la r'gion Haute-Normandie, les orientations strat'giques dans les domaines communs '
ces trois ports, et de veiller au d'veloppement du GIE interportuaire.
Mais les communaut's portuaires ne sont pas encore pr'tes
' faire 'voluer cette coop'ration dans le sens d’une fusion des deux ports, m'me
si cette option para't souhaitable ' terme. Ce regroupement a 't' par exemple possible
au port de Nantes - Saint Nazaire, qui constitue un cas int'ressant de gestion par un
m'me 'tablissement de cinq sites r'partis sur plus de 40 kilom'tres (Nantes - dont le
site de Chevir' -, Cordemais, Donges, Montoir et Saint Nazaire).
Aujourd’hui encore, la prise en compte du projet
' Port 2000 ' au port autonome du Havre n’a pas conduit la direction du
transport maritime, des ports et du littoral ' tirer les cons'quences de ce projet sur
le port autonome de Rouen et sur la n'cessit' d’une concertation renforc'e entre
les deux ports. La compl'mentarit' entre les deux ports para't 'tre consid'r'e soit
comme un fait acquis, soit comme un 'l'ment subsidiaire.
Activit's de coop'ration technique internationale et
de dragage
En mati're de fonctionnement, les activit's de
coop'ration technique internationale (Sofremer) et de dragage ont fait 'galement
l’objet de tentatives souvent malheureuses de mise en commun.
La r'organisation en 1992 de la Sofremer, filiale commune
des ports autonomes et de l’Union des ports autonomes et des chambres de commerce et
d’industrie maritimes (UPACCIM), a conduit chaque port autonome ' prendre une part
substantielle de son capital. La Cour constate que, malgr' la signature d’une
convention de coop'ration entre la Sofremer et l’ensemble des ports autonomes, ces
derniers interviennent parfois en concurrence directe avec cette filiale commune. Le port
autonome de Marseille dispose en particulier d’un service sp'cialis' et d’un
institut de formation interne actifs en mati're de coop'ration technique, alors
qu’il s’agit d’une activit' lourdement d'ficitaire, autant que la
comptabilit' analytique permette d’en juger (- 7,5 MF en 1993 et - 13,8 MF en
1994 pour le service concern'), et qui n’est pas au cœur de la mission de
service public du port. La persistance de tels comportements non coop'ratifs pourrait
avoir pour cons'quence de remettre en cause l’existence m'me d’une structure
telle que la Sofremer. De fait, celle-ci est entr'e dans un processus
' d’adossement ' au groupe EGIS (ex-Scetauroute) par sa filiale
Transroute International, avec un risque de d'sengagement progressif des ports autonomes.
En mati're de dragages, certains ports disposent d’un
service en r'gie, utilisant les b'timents relevant du GIE Dragages-Ports, tandis que
d’autres, comme Dunkerque pour le port Ouest, sous-traitent cette activit' '
d’autres 'tablissements portuaires ou ' des entreprises priv'es, malgr'
l’obligation de recourir au GIE. La comparaison des prix de revient de
l’activit' de dragage des ports fran'ais avec ceux pratiqu's par les entreprises
belges ou n'erlandaises, occupant une position dominante, fait appara'tre des 'carts
sup'rieurs ' 25 % (15). La solution actuelle, qui consiste ' centraliser les
investissements et d'centraliser l’ex'cution des travaux, m'riterait donc
d’'tre compar'e ' d’autres modalit's de gestion, telles que le regroupement
des moyens dans une structure nationale ou la d'l'gation ' des entreprises.
Une telle perspective n'cessiterait au pr'alable de
clarifier les comptes analytiques de cette activit' dans chaque port. A titre
d’exemple, ' Rouen, le dragage repr'sente 173 MF de charges et 159 MF de
produits en 1994, avec une chute des recettes observ'e depuis 1989. Toutefois, 80 % des
recettes proviennent de facturations internes au port, ce qui peut inciter ' moduler les
r'sultats affich's en fonction des imp'ratifs de gestion du port, notamment vis-'-vis
de la tutelle.
La coop'ration en mati're d’investissement
Dans ce domaine, les d'cisions de l’Etat doivent
'viter le sur'quipement d’une m'me zone de littoral (Rouen-Le Havre-Dunkerque, ou
Nantes-La Rochelle-Bordeaux). Dans des secteurs o' la vocation de chaque port est
clairement affirm'e, il importe d’'viter le ' saupoudrage ', voire les
doubles emplois, et de favoriser la concentration des trafics et donc des 'quipements sur
un seul site portuaire.
Ainsi, les investissements du port autonome de Bordeaux,
r'alis's sans doute trop tardivement, au d'but des ann'es soixante-dix, sur le site du
Verdon, auraient d' 'tre davantage appr'ci's au regard des infrastructures pr'vues ou
existantes ' Nantes - Saint Nazaire, La Rochelle, Bayonne, ou m'me dans les ports
situ's plus au nord, et au regard des 'volutions du transport maritime.
La question de la coh'rence des projets parall'les de
' Port 2000 ' au Havre et d’un programme ambitieux de terminal '
conteneurs et marchandises diverses ' Rouen peut aussi 'tre pos'e, alors que le port
autonome du Havre est le seul ' m'me de pouvoir s'rieusement concurrencer les ports du
Nord en mati're de trafic de conteneurs. Cette question se pose d’autant plus que,
dans un domaine moins strat'gique, le port de Rouen a d'velopp', en association avec un
op'rateur priv', mais en engageant 32 MF de travaux, un terminal sucrier qui concurrence
directement celui du Havre, cr'' sur fonds publics quelques ann'es auparavant.
L’absence de coop'ration entre Dunkerque, Calais et
Boulogne risque 'galement de conduire ' des investissements concurrents. Alors que la
plate-forme multimodale Garromanche a 't' cr''e en 1986, les ports de Calais et de
Dunkerque ont pr'vu de r'aliser des plates-formes logistiques (Eurofret ' Dunkerque
depuis 1991, Transmarcq en cours de r'alisation ' Calais) plac'es ' quelques
kilom'tres l'une de l'autre, au bord de l'autoroute A16, et 'loign'es tant des quais
maritimes, fluviaux et ferroviaires que des lieux de forte production ou consommation. On
peut aussi douter de la coh'rence de l'am'nagement du nouveau port en eaux profondes '
l'Est de Calais, ' quelques kilom'tres de Dunkerque, au co't d'environ 305 millions de
francs, exacerbant la concurrence tarifaire avec Dunkerque - notamment ' partir du
nouveau terminal d'exportation de sucre en sacs, mis en service en octobre 1995 - sans
pour autant susciter d'augmentations de trafic, hors Transmanche, ou d'implantations
nouvelles significatives.
Il convient ' cet 'gard de rappeler l’'chec, en
particulier en raison de l’opposition de l’organisation syndicale majoritaire
dans les ports, du projet de groupement d’int'r't 'conomique entre les ports de
Boulogne, Calais et Dunkerque, lanc' fin 1989. Le ministre d'l'gu' charg' de la mer
estimait alors n'cessaire de disposer d’une seule entit' portuaire sur la fa'ade
maritime du Nord.
Des incoh'rences entre ports maritimes et fluviaux ont
aussi 't' relev'es. En particulier, une enqu'te men'e aupr's d’une quinzaine
d’op'rateurs d’appontements fluviaux et d’entreprises de manutention a
fait appara'tre que les investissements des ports maritimes ne prennent pas en compte la
sp'cificit' des bateaux fluviaux : insuffisance de la longueur des fl'ches des grues
portuaires pour faire du transbordement direct de navire ' p'niche, inadaptation du
mat'riel de manutention au chargement des p'niches (ex : grappins plus larges que
l’ouverture des cales fluviales), inadaptation des quais ou des ponts roulants.
N'anmoins, les ports ont aussi r'alis' des investissements particuliers au transport
fluvial de certains trafics.
Tous ces exemples montrent ' quel point la coordination
entre ports est soit insuffisante, soit tout simplement absente.
Recommandations
- d'finir une politique coh'rente et globale de
l’Etat ' l’'gard des ports maritimes, en tenant mieux compte de la nouvelle
donne europ'enne ; traduire effectivement dans le sch'ma des services des transports de
marchandises, pr'vu depuis 1997 mais non 'tabli, les orientations arr't'es par les
CIADT de d'cembre 1998 et juillet 1999 ;
- mettre en place les moyens d’expertise et d'finir les indicateurs de gestion
n'cessaires ' l’action de l’administration centrale charg'e des ports ;
- veiller ' la coordination des projets de d'veloppement des ports, en fonctionnement et
en investissement ;
- mettre en place une coordination effective et syst'matique des transports terrestres,
fluviaux et maritimes, ainsi qu’une 'valuation intermodale des projets en mati're
de transport ; am'liorer la qualit' des analyses 'conomiques des ports en mati're de
dessertes terrestres ; refuser de prendre en compte et de soutenir des projets de
d'veloppement portuaire qui n’int'greraient pas une analyse et des d'cisions
portant sur les dessertes terrestres.
(13) La Revue Maritime, n'
417, 1er trimestre 1990.
(14) L’analyse qui suit se
fonde notamment sur le rapport de M. Franck, ing'nieur g'n'ral des ponts et chauss'es
et commissaire du gouvernement des deux ports, relatif aux ports autonomes du Havre et de
Rouen, septembre 1995.
(15) A titre d’exemple, en
1996, le port du Havre a lanc' un appel d’offres international et affr't' une
drague belge ' un prix inf'rieur de 30 % ' celui propos' par le GIE Dragages Ports.
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