LA POLITIQUE PORTUAIRE FRANCAISE 
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 2' Les modalit's de d'cision 
 a) Lobsolescence des r'gles concernant la
 participation de lEtat 
 Le code des ports maritimes, dont les articles L. 111-4
 ' L. 111-6 ont un caract're r'glementaire, (31) pr'voit que lEtat rembourse
 au port autonome la d'pense r'elle augment'e dune quote-part des frais g'n'raux
 du port : 
 - pour les travaux dentretien, ' hauteur de 100 %
 (chapitre 44-34 de la section budg'taire " mer ") ; 
 - pour les investissements, ' hauteur de 80 % pour les
 op'rations de modernisation des bassins et ouvrages dacc's et de 60 % pour les
 autres travaux dinfrastructure (chapitre 53-30).  
 En revanche, les co'ts dimmobilisation et
 dexploitation aff'rents aux superstructures (outillages, hangars, gares maritimes,
 terre-pleins), sont ' la charge du port autonome. 
 Ces r'gles ne valent pas pour les ports
 dint'r't national, o' les investissements et lentretien des infrastructures
 sont ' la charge de lEtat, avec participation - sous forme de fonds de concours -
 du concessionnaire de loutillage. Les superstructures ne font en revanche
 lobjet daucune participation de lEtat et sont essentiellement financ'es
 par le concessionnaire. 
 Le tableau figurant ci-apr's (32) r'sume les
 diff'rentes conditions de financement des travaux portuaires. Ce cadre juridique
 dintervention obligatoire de lEtat dans le financement dune grande part
 des op'rations de gros entretien et dinvestissement des ports autonomes est
 inadapt' ' plusieurs titres : 
 Dun c't', le budget de lEtat - m'me au
 prix de transferts de charges contestables entre chapitres budg'taires - ne parvient pas
 ' faire face aux obligations qui lui sont imparties : les remboursements faits par
 lEtat ne respectent g'n'ralement pas les r'gles 'dict'es en la mati're. 
 Ceci sexplique notamment par lambigu't' de
 la d'finition des diff'rents types de travaux, selon quil sagit de
 lentretien, qui est une d'pense de fonctionnement, ou de la modernisation des
 infrastructures, qui est une d'pense dinvestissement. Cette incertitude est
 dailleurs entretenue par les ports, qui ont parfois int'r't ' obtenir de
 lEtat le taux de remboursement le plus avantageux possible. A titre dexemple,
 pour le port autonome de Rouen, le taux de couverture par lEtat des d'penses
 dentretien et dexploitation des chenaux et des digues est pass' de 75 % en
 1989 ' 66 % en 1994, puis ' 78 % en 1998, mais avec une distinction mal d'finie entre
 les types de travaux. Inversement, une op'ration de " r'tablissement des
 profondeurs du chenal " a 't' financ'e par lEtat sur le chapitre 53-30,
 alors quelle aurait pu 'tre consid'r'e comme un travail dentretien. 
 Si lEtat ne respecte pas les r'gles de
 remboursement, cest aussi parce quil entend privil'gier certains projets.
 Ainsi, le minist're a justifi' labsence de participation financi're de
 lEtat ' la construction du troisi'me poste ' quai du terminal ' marchandises
 diverses et ' conteneurs de Nantes-Saint-Nazaire par la concentration de ses efforts sur
 lam'nagement du terminal agroalimentaire, " enjeu de port'e
 nationale ", conform'ment aux contrats de plan Etat-r'gion successifs. 
 Le financement des d'penses dinvestissement et de
 fonctionnement des ports 
 Source : Office parlementaire d'valuation des
 politiques publiques, La politique maritime et littorale de la France : les ports
 (III), mars 1998 
 
 
 INVESTISSEMENTS  | 
  
 
 |   | 
 Ports autonomes  | 
 Ports dint'r't
 national  | 
 Ports d'partementaux  | 
  
 
 Acc's maritimes  | 
 Etat : 80 % (CPM) 
 Collectivit's locales : rare 
 Port autonome : en th'orie 20 %  | 
 Etat : 33 % maximum
 (aucun texte) 
 Fonds de concours : au moins 66 % 
 (concession et subv. collt's loc.)  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD 
 Fonds de concours 
 concession : variable  | 
  
 
 Quais, engins et radoub  | 
 Etat : 60 % (CPM) 
 Collectivit's locales : rare 
 Port autonome : en th'orie 40 %  | 
 Etat : 33 % maximum
 (aucun texte) 
 Fonds de concours : au moins 66 % 
 (concession et subv. collt's loc.)  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD 
 Fonds de concours 
 Concession : variable  | 
  
 
 Terre-Pleins, routes  | 
 Etat : n'ant 
 Collectivit's locales : rare 
 Port autonome : essentiel  | 
 Terre-pleins et routes
 non conc'd'es 
 Etat : 33 % maximum (aucun texte) 
 Fonds de concours : au moins 66 % 
 (concessionnaire et subv. collt's loc.) 
 Conc'd's 
 Concession : essentiel 
 Collectivit's locales : variable  | 
 Terre-pleins et routes
 non conc'd's 
 Collectivit's loc. + Etat via DGD 
 Fonds de concours 
 Concession : variable 
 Conc'd's 
 Concession : essentiel 
 Collectivit's locales : variable  | 
  
 
 Voies ferr'es  | 
 SNCF : 50 % (CPM) 
 Port autonome : 50 %  | 
   | 
   | 
  
 
 Superstructures,
 outillages, b'timents  | 
 Etat : n'ant 
 Collectivit's locales : variable 
 Port autonome : essentiel  | 
 Etat : n'ant 
 Collectivit's locales : variable 
 Concession : essentiel (sauf b'timents administratifs)  | 
 Collectivit's
 locales : variable 
 Concession : essentiel  | 
  
 
 DGD : dotation globale
 de d'centralisation 
 (CPM) : disposition du code des ports maritimes  | 
  
   
   
 
 
 ENTRETIEN  | 
  
 
 |   | 
 Ports autonomes  | 
 Ports dint'r't
 national  | 
 Ports d'partementaux  | 
  
 
 Acc's maritimes  | 
 Etat : 100 % (CPM) 
 rembours' au port autonome  | 
 Etat + fonds de concours
 variable  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD + 
 fonds de concours rare  | 
  
 
 Quais, engins et radoub  | 
 Port autonome : 100 %  | 
 Etat + fonds de concours
 variable 
 (= 50 % grosses r'parations)  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD + 
 fonds de concours rare  | 
  
 
 Terre-Pleins, routes  | 
 Port autonome : 100 %  | 
 Terre-pleins et routes
 non conc'd's 
 Etat + fonds de concours variable 
 (= 50 % grosses r'parations) 
 Conc'd's 
 Concession 
 Collectivit' locale : rare  | 
 Terre-pleins et routes
 non conc'd's 
 Collectivit's loc. + Etat via DGD + fonds de concours rare 
 Conc'd's 
 Concession 
 Collectivit' locale : rare  | 
  
 
 Voies ferr'es  | 
 SNCF : 100 % (CPM)  | 
   | 
   | 
  
 
 Superstructures,
 outillages, b'timents  | 
 Port autonome : 100 %  | 
 Concession : 100 %  | 
 Concession : 100 %  | 
  
 
 DGD : dotation globale
 de d'centralisation 
 (CPM) : disposition du code des ports maritimes  | 
  
   
   
 
 
 PERSONNEL  | 
  
 
 |   | 
 Ports autonomes  | 
 Ports dint'r't
 national  | 
 Ports d'partementaux  | 
  
 
 Acc's et 'cluses  | 
 Etat : 100 % (CPM)
 rembours' au port autonome  | 
 Etat + fonds de concours
 variables 
 (acc's)  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD +  | 
  
 
 Capitainerie, personnel  
 administratif et techniciens  | 
 Port autonome : 100 %  | 
 Etat + concession  | 
 Collectivit's loc. + Etat
 via DGD + 
 concession  | 
  
 
 Personnel
 dexploitation  | 
 Port autonome  | 
 Concession  | 
 Concession  | 
  
 
 DGD : dotation globale
 de d'centralisation 
 (CPM) : disposition du code des ports maritimes  | 
  
   
   
 Dun autre c't', le r'le d'sormais reconnu aux
 r'gions en mati're dintervention 'conomique et de politique des transports, ainsi
 quaux fonds europ'ens, devrait amener ' reconsid'rer la part revenant aux
 diff'rentes collectivit's publiques dans le financement des 'quipements portuaires.
 D's lors que le relais du financement est pris structurellement par dautres
 partenaires publics, les textes devraient ' tout le moins 'tre mis ' jour pour tenir
 compte de cette r'alit', et ensuite 'tre strictement appliqu's. 
 A titre dexemple, en mati're
 dinvestissements (infrastructures et superstructures) relatifs au trafic
 transmanche, le montant cumul' de 1990 ' 1996 de la participation de lEtat a
 atteint 6,3 %, soit 133 MF sur un total de 2,1 milliards de francs, effort qui a
 't' concentr' - sans crit'res clairs - sur Dieppe et Saint Malo. La part des
 collectivit's territoriales s'levait ' 18,8 % (394 MF) et celle des fonds
 europ'ens ' 9,7 % (204 MF). 
 Enfin, ces quotas de participation de lEtat ne
 sappliquent pas aux ports dint'r't national. Pour les ouvrages non
 conc'd's, lusage veut quil participe ' hauteur dun tiers aux travaux
 importants dextension ou de protection, et ' hauteur de 50 % aux travaux de
 grosses r'parations.  
 La r'vision de ces dispositions inadapt'es et
 inappliqu'es, datant dune 'poque o' le niveau des investissements n'cessaires
 exigeait une intervention massive de lEtat, para't aujourdhui n'cessaire.
 LEtat doit retrouver la capacit' de concentrer ses interventions financi'res pour
 ne pas se voir r'duit ' un simple r'le de partenaire financier parmi dautres, aux
 moyens faibles, donc aux possibilit's darbitrage limit'es.  
 Cette r'vision pourrait conduire ' la suppression des
 taux de participation obligatoire de lEtat aux infrastructures : ainsi, lEtat
 - pour autant quil en ait la volont' politique  serait en mesure de
 s'lectionner, privil'gier et coordonner ses interventions, quitte ' supprimer
 enti'rement son soutien aux infrastructures de certains ports et ' laisser ce soin aux
 collectivit's territoriales, cest-'-dire aux r'gions principalement en raison de
 leurs comp'tences, et aux fonds structurels europ'ens g'r's par les pr'fets de
 r'gion.  
 Une telle r'forme des m'canismes de d'cisions
 supposerait quon distingue les investissements incombant au secteur priv' de ceux
 qui doivent 'tre financ's par lEtat parce quils rel'vent dun choix
 national quelle que soit la cat'gorie " juridique " du port, et,
 enfin, les investissements ' r'aliser gr'ce ' un financement public essentiellement
 local. Cette recommandation ressort dailleurs 'galement des travaux effectu's en
 1996 par la direction charg'e des ports pour 'laborer un sch'ma national des ports
 maritimes, abandonn' depuis par les pouvoirs publics. Ce sch'ma devait " distinguer
 les 'quipements associ's aux grands trafics strat'giques et particuli'rement porteurs
 pour le d'veloppement de notre 'conomie : trafics de conteneurs et marchandises
 diverses, approvisionnement 'nerg'tique de la France, desserte des zones
 p'riph'riques,... sur lesquels lEtat devra simpliquer en toute
 priorit' " et " les 'quipements li's ' des trafics r'pondant '
 une approche de d'veloppement plus r'gional, pour lesquels une participation accrue des
 collectivit's r'gionales et locales devra 'tre recherch'e ". 
 Aujourdhui, paradoxalement, compte tenu de sa
 position ant'rieure, et contrairement au minist're de l'conomie, des finances et
 de lindustrie, le minist're charg' des transports ne para't gu're souhaiter
 revenir sur ces r'gles : " il nappara't pas opportun de remettre en
 cause les taux dintervention de lEtat dans le financement des ouvrages
 dinfrastructure des ports autonomes maritimes. Ceci ne parait pas de nature '
 renforcer leur comp'titivit' surtout dans un contexte o', actuellement, les grands
 ports concurrents du Nord r'alisent des investissements colossaux, atteignant plusieurs
 milliards de francs et b'n'ficiant dimportants fonds publics. En 1998, lEtat
 belge aura allou' ' ses ports l'quivalent de 1,6 milliard de francs
 fran'ais ". 
 La DTMPL pr'voit de r'server les fonds publics (Etat,
 collectivit's locales, communaut's europ'ennes) aux seules infrastructures. En f'vrier
 1998, elle indiquait que " dans le cadre de la pr'paration des futurs contrats
 de plan, il est envisag' de clarifier les responsabilit's financi'res des diff'rents
 acteurs en mati're d'quipement portuaire, en tentant de r'orienter leffort
 des collectivit's locales et des fonds europ'ens sur les infrastructures, et la
 participation des usagers sur les superstructures, en recherchant, de leur part, une plus
 forte implication dans le financement de ces 'quipements ". Dans le m'me sens,
 une circulaire du 27 octobre 1998 du ministre de l'quipement, des transports et du
 logement relative au d'veloppement des investissements et des emplois dans les ports
 'nonce lorientation suivante : " ' lEtat, il incombe, et cette
 r'gle ne saurait souffrir le moindre recul, de poursuivre et daccro'tre ses
 efforts sur les infrastructures de base (...). Sur ces 'quipements de base,
 lintervention de lEtat doit 'tre forte, m'me si elle peut utilement 'tre
 compl't'e par des aides publiques provenant dautres intervenants (collectivit's
 locales, cr'dits europ'ens) ". 
 Pourtant, les faits et les chiffres montrent que reste
 enti're la question de savoir comment lEtat entend ' lavenir, notamment dans
 le cadre des prochains contrats de plan, tout ' la fois appliquer les r'gles actuelles
 de participation de lEtat aux investissements et financer de grands projets
 prioritaires, tels que Port 2000 au Havre ou Donges-Est ' Nantes-Saint-Nazaire, et, dans
 le m'me temps, des 'quipements tels que ceux pr'vus par le port autonome de Marseille
 dans son plan dentreprise de juillet 1998. Le projet de d'veloppement, que ce
 dernier pr'sente comme " le deuxi'me souffle du port apr's le grand projet
 que fut la construction des bassins de Fos il y a trente ans ", suppose,
 en effet, un triplement de la participation annuelle de lEtat : en ce cas,
 cette derni're, qui a atteint une moyenne annuelle de 21,6 MF de 1991 ' 1995,
 s'l'verait ' 68,7 MF de 1999 ' 2004 sur un montant total de 370 MF de d'penses
 annuelles dinvestissement. Dans sa configuration actuelle, le chapitre 53-30 de la
 section Mer du budget de lEtat ne peut manifestement pas supporter ces trois
 diff'rents projets. 
 b) Lexpertise et la coh'rence n'cessaires ne sont
 pas assur'es 
 Ind'pendamment des budgets disponibles et des r'gles
 de participation, lEtat doit 'tre capable darbitrer entre les projets. Selon
 les textes, les programmes dinvestissement des ports font lobjet dun
 contr'le tr's strict de lEtat. Dans les ports autonomes, aux termes de
 larticle R. 115-1 du code des ports maritimes, "  la prise en
 consid'ration des avant-projets des travaux de construction, dextension et de
 modernisation [ entra'nant une participation de lEtat] et lautorisation des
 dits travaux font lobjet de d'cisions du ministre apr's avis du conseil
 dadministration ". Pour les travaux et outillages effectu's sans
 concours financier de lEtat, le conseil dadministration statue
 d'finitivement, mais dans la limite du montant des d'penses dexploitation et des
 op'rations en capital figurant aux 'tats pr'visionnels, et des autorisations
 demprunts et de programmes dinvestissement accord'es par le comit' des
 investissements ' caract're 'conomique et social (CIES, ayant succ'd' au fonds de
 d'veloppement 'conomique et social - FDES). Les ports dint'r't national sont
 soumis ' un dispositif similaire. 
 A premi're vue, lEtat dispose donc de moyens
 r'els pour contr'ler les investissements des ports autonomes ou dint'r't
 national et d'cider dapporter ou non son concours financier en connaissance de
 cause. En r'alit', l'valuation 'conomique et financi're pr'alable et la
 capacit' de lEtat de choisir souffrent de grandes faiblesses. 
 Les m'thodes d'valuation 'conomique et
 financi're 
 LEtat, qui ne dispose pas doutils et
 dinstance dexpertise de qualit', en dehors des ports autonomes qui sont
 souvent ' la fois demandeurs et experts, d'pend d's lors totalement des 'tudes que
 ceux-ci r'alisent. Avant quil se d'cide ' investir, des contr'les de coh'rence
 et de vraisemblance sur ces 'tudes sont indispensables. Or ce nest que depuis la
 r'organisation des administrations centrales charg'es de la mer, r'sultant du d'cret
 n' 97-164 du 2 f'vrier 1997 et des arr't's du 30 mai 1997, que la direction des
 ports dispose dune " mission des 'tudes 'conomiques, de la recherche et
 des statistiques ".  
 En outre, toutes les op'rations de gestion de cr'dits
 et dautorisations financi'res se fondent ' lorigine sur une interrogation
 des ports par la direction. Cette proc'dure accentue la position de d'pendance de
 ladministration centrale ' l'gard des ports. 
 En la mati're, la Cour rel've que le r'le
 d'terminant revenant au commissaire du Gouvernement et organis' par le code des ports
 maritimes nest actuellement pas exerc'. Le code pr'voit en effet que le
 commissaire du Gouvernement, ing'nieur g'n'ral des ponts et chauss'es, " contr'le
 lensemble des op'rations du conseil dadministration et v'rifie le
 fonctionnement de tous les services ", " sur place, au moins une fois
 par an ". Il " 'tablit chaque ann'e un rapport densemble ayant
 pour objet de rendre compte de la situation du port ' la fin de lexercice
 pr'c'dent, au point de vue technique, 'conomique et financier ". En
 outre, pour lapprobation des travaux pour lesquels le conseil dadministration
 ne peut statuer d'finitivement, le ministre charg' des ports statue sur le rapport du
 commissaire du Gouvernement. 
 Or, en pratique, ces contr'les ne sont pas exerc's :
 aucun des commissaires du Gouvernement n'tablit de rapport annuel, ne contr'le les
 services, ni ne fait rapport sur les projets de travaux faisant lobjet dun
 remboursement de la part de lEtat. Le cas du rapport du commissaire du Gouvernement
 des ports autonomes du Havre et de Rouen, portant sur la coordination des strat'gies des
 ports de Haute Normandie nest quune exception, qui, de plus, ne sinscrit
 pas dans les cas pr'vus par le code. 
 Lexemple du programme dapprofondissement '
 10,5 m'tres du chenal dacc's au port de Rouen, financ' ' 80 % par
 lEtat conform'ment au code des ports maritimes, illustre la n'cessit' de
 contr'les de coh'rence et de vraisemblance sur les 'tudes des ports. Le
 " plan 2000 " du port pr'voyait lengagement de travaux '
 hauteur de 350 MF au cours de la p'riode 1995-2000, dont 110 MF figuraient au
 contrat de plan Etat-r'gion 1994-1998. L'tude ayant fond' la d'cision initiale
 avait 't' faite par les services du port en 1992 et concluait ' un taux de rentabilit'
 interne de 14,4 % ; remise ' jour en 1995, cette 'tude aboutit ' un taux de
 rentabilit' interne de 18,9 %. Une 'valuation r'alis'e par le commissaire du
 Gouvernement ' la demande de la direction des ports est revenue sur les hypoth'ses de
 trafic du port ainsi que sur l'valuation des avantages li's ' la r'alisation du
 projet et a abouti ' un faible taux de rentabilit' de 5,3 % pour une variante
 dhypoth'ses moyennes. En variantes haute et basse, le taux 'tait 'valu' ' 10,8
 % et 0,1 %.  
 Le commissaire du Gouvernement estimait donc que la
 r'alisation du projet aurait un co't net pour la collectivit' nationale, alors que son
 abandon ne conduirait au pire qu' des d'tournements de trafic au profit du Havre
 et non au profit de concurrents nord-europ'ens. La d'cision finalement prise par
 lEtat en mars 1996 a 't' de sen tenir ' un approfondissement '
 10,3 m'tres, r'duisant ainsi linvestissement de 350 ' 156 MF sur trois ans,
 financ' ' hauteur de 100 MF par lEtat, 20 MF par le conseil r'gional et 36 MF par
 autofinancement du port. Certes, ce choix a satisfait le conseil dadministration et
 les usagers du port. Mais il d'montre surtout lint'r't et la n'cessit'
 dun contr'le par lEtat des 'tudes 'conomiques pr'alables r'alis'es par
 les ports. 
 La capacit' darbitrage de lEtat 
 Les contrats de plan Etat-r'gion 
 Cette capacit' dexpertise de lEtat devrait
 'tre particuli'rement renforc'e au stade de l'laboration des contrats de plan
 Etat-r'gion, qui ne font actuellement gu're que reprendre les projets 'labor's par les
 ports eux-m'mes sans que lEtat, saisi de projets parfois irr'alistes, exerce un
 r'le darbitre.  
 Le contrat de plan Etat-r'gion pour 1994-1998 relatif
 au port autonome de Dunkerque en fournit un exemple. Lessentiel des objectifs du
 port autonome sur la p'riode figure en effet dans la convention d'ex'cution du contrat
 de plan, assortie dun programme dinvestissements dun montant de 1,4
 milliard de francs. Or cette convention sest content'e de reprendre les termes du
 contrat de d'veloppement du port 'labor' en avril 1992, contrat correspondant lui-m'me
 aux orientations fix'es d's septembre 1990 par le sch'ma directeur du port, qui visait
 ' "d'finir les perspectives de d'veloppement ' l'horizon 1995". Il ressort
 de cette succession de documents planificateurs que le contrat de plan Etat-R'gion n'a
 pris aucun recul par rapport ' des analyses plut't anciennes, essentiellement issues du
 port, et de caract're nettement volontariste. La convention de d'veloppement s'appuyait
 sur l'affirmation de deux vocations essentielles du port : une "vocation
 industrielle" (trafic de vracs liquides et solides, en partie trait's sur place) et
 une "vocation commerciale internationale", correspondant ' la priorit'
 affich'e " de redevenir le port de commerce international de la r'gion
 Nord-Pas de Calais " gr'ce au d'veloppement du trafic de marchandises diverses
 (objectif minimal de 150 000 conteneurs et ' terme de 400 000 conteneurs). Ces
 orientations ont conduit ' lachat de deux portiques
 " overpanamax " (cf. lexique) ' hauteur de 70 MF, financ's '
 50 % par la r'gion.  
 Ce nest quen avril 1996 que la
 " contribution Etat/R'gion au d'bat pour un complexe interportuaire
 r'gional " sest born'e ' qualifier le port de Dunkerque de "port
 industriel de marchandises en vrac" et a fait 'tat des risques de la strat'gie du
 port autonome en mati're de conteneurs, en signalant "un risque d''chec si
 l'analyse du contexte et du march' fait plus de place ' l'ambition qu'aux r'alit's et
 minimise les capacit's de r'action de la concurrence", ainsi qu'un "risque de
 concurrence interne ' la r'gion". De m'me, ce nest que tr's
 tardivement, en septembre 1996, que le port autonome a r'vis' sa strat'gie de
 d'veloppement et ses objectifs en mati're de conteneurs, qui visait ' moyen terme un
 trafic de 100 000 conteneurs par an. Une r'vision du contrat de d'veloppement portuaire
 'tait 'galement propos'e, incluant labandon de lam'nagement dun
 nouveau terminal en darse 4 (245 MF pr'vus), symbole du caract're excessivement
 volontariste et irr'aliste des ambitions du port. 
 D's lors que le contrat de plan 'tait fond' sur des
 pr'visions de trafic irr'alistes, les engagements financiers fix's nont pu 'tre
 honor's par le port, ni d'ailleurs par l'Etat, alors que la r'gion avait d'j' fourni
 pour sa part une large contribution financi're : en effet, elle avait engag' 75 % de sa
 contribution fin 1995 tandis que les taux dengagement 'taient de 53 % (43 % en
 septembre 1996) pour le port et de 5 % (28 % en septembre 1996) pour lEtat. 
 De mani're g'n'rale, pour l'laboration des
 pr'c'dents contrats de plan Etat-r'gion, la Cour a relev' que les instructions du
 minist're charg' des transports aux pr'fets ont 't' rares et peu contraignantes. En
 labsence de priorit's nationales affirm'es, les op'rations concern'es par ces
 contrats sont d'pourvues de coh'rence (cf. rapport public 1998, p. 137-150). De
 surcro't, alors quune des innovations du dixi'me plan 'tait lint'gration
 dun dispositif d'valuation dot' dun financement sp'cifique, le
 domaine des ports na pas 't' inclus dans le champ de ce dispositif. 
 Concernant la pr'paration de la prochaine g'n'ration
 des contrats de plan entre lEtat et les r'gions, la DTMPL estime que
 " leffort de lEtat para't devoir se concentrer sur deux axes
 prioritaires : un nombre tr's limit' de grands projets dextension portuaire,
 tels le projet " Port 2000 " au Havre (...) et le projet
 dextension du port de Nantes-Saint-Nazaire ' Donges-Est ; une n'cessaire remise en
 'tat douvrages existants, qui ont souffert dun d'faut prolong'
 dentretien, et une adaptation progressive des infrastructures, en fonction de
 l'volution des trafics ". 
 A cet effet, une circulaire de la DTMPL du 30 avril 1998
 adress'e aux pr'fets a engag' ' nouveau une 'valuation prospective des besoins des
 ports dint'r't national en mati're dentretien et de restauration des
 ouvrages non conc'd's pour la p'riode 2000-2009. Elle vise ' actualiser les donn'es
 fournies en 1994 sur les recommandations dune pr'c'dente circulaire du 5 ao't
 1994. Ces donn'es pr'voyaient un programme de 1,6 milliard de francs pour la p'riode
 1995-2004, dont 390 MF au titre des travaux de dragage. 
 En outre, la direction compte renforcer sa capacit'
 dexpertise, pour mieux choisir les investissements, gr'ce ' la mise ' jour
 syst'matique danalyses par fili'res de produits. Il faut relever que les seuls
 travaux de ce type ont 't' r'alis's en 1996. 
 Le r'le du comit' des investissements ' caract're
 'conomique et social (CIES)  
 Le processus de d'cision relatif aux programmes
 dinvestissements relevait du comit' n' 8 du fonds de d'veloppement 'conomique et
 social (FDES) et consistait principalement ' examiner les projets demprunts des
 ports. Jusquen 1996, lEtat ne sest pas donn' les moyens de faire
 'voluer lensemble de ces r'gles et proc'dures, ce qui a eu pour cons'quence que
 les choix de soutien ' linvestissement ou dentretien des infrastructures
 portuaires ont 't' op'r's de fa'on peu satisfaisante. 
 Ce processus a 't' am'lior' par le comit' des
 investissements ' caract're 'conomique et social (CIES) cr'' par le d'cret du 27
 novembre 1996 et substitu' au FDES. Le programme des investissements des ports et le
 volume demprunts autoris's sont arr't's par d'cision du CIES. Celui-ci
 " se prononce sur ces programmes, le rythme de r'alisation des travaux et leur
 mode de financement, en fonction des orientations des politiques publiques, de la
 situation des entreprises et organismes concern's, des textes les liant ' lEtat,
 de la situation des finances publiques et des march's financiers et de lint'r't
 propre des projets examin's ". 
 Jusquen 1995, les documents fournis au conseil de
 direction du FDES 'taient tr's succincts. Depuis lors, des fiches dinformation par
 port sont 'tablies. Cependant, l'valuation 'conomique et financi're des
 principaux projets dinfrastructures et de superstructures, ' l'chelle
 nationale ou r'gionale, nest pas syst'matiquement pr'sent'e. Cest
 seulement depuis 1997 que la direction des ports, comme pour les autres projets
 dinvestissements en mati're de transports, soumet certains projets portuaires aux
 calculs de rentabilit' socio-'conomique et de rentabilit' financi're.  
 Elle peut sappuyer sur les prescriptions de la
 circulaire du 3 octobre 1995 relative aux m'thodes d'valuation 'conomique des
 grands projets dinfrastructure, 'labor'e en application de larticle 14 de la
 loi dorientation des transports int'rieurs ' la suite des travaux du groupe
 pr'sid' par M. Boiteux. Un exemple en est l'valuation socio-'conomique du projet
 " port 2000 ", r'alis'e en juin 1997 par le port du Havre, suite '
 une demande du CIES du 21 mai 1997, et jointe au dossier du CIES du 7 novembre 1997.  
 La DTMPL envisageait pour 1998 de pr'parer une
 circulaire sp'cifique, simplifi'e et adapt'e aux projets portuaires de dimension plus
 modeste, et dorganiser une formation sp'cifique sur ce sujet ' lattention
 des ma'tres douvrage portuaires. Rien na encore 't' fait en ce sens. 
 En outre, compte tenu de la faiblesse des moyens de
 gestion que les services du comit' mettent en uvre, le travail de pr'sentation et
 de tri est principalement effectu' par la direction charg'e des ports. Au demeurant,
 compte tenu du nombre des programmes soumis, la direction du tr'sor, qui assure le
 secr'tariat du CIES, reconna't elle-m'me que le comit' ne peut expertiser de mani're
 satisfaisante tous les investissements dun port, quil se limite aux projets
 les plus significatifs et que lexamen est fait au cas par cas, sans aucune approche
 densemble. La nouvelle proc'dure napporte donc pas de surcro't
 dexpertise. Elle pr'sente, en revanche, lavantage d'valuer plus
 s'rieusement les capacit's de financements des ports, de contraindre les demandeurs '
 un effort de rigueur et de renforcer les capacit's de refus de ladministration face
 aux pressions locales. 
 Ce manque de proc'dures adapt'es, du moins
 jusqu' une p'riode r'cente, a conduit ' un 'parpillement des moyens, et ' une
 absence darbitrage et de hi'rarchisation des priorit's de lEtat.
 Lexemple des ports hauts normands est significatif, comme la analys' le
 commissaire du gouvernement. Les enjeux des trois grands projets pr'sent's ne sont pas
 comparables : extension du port du Havre sur lestuaire (environ 3,1 milliards de
 francs hors taxes, dont 2 milliards en premi're phase dici ' 2002),
 approfondissement du chenal de Rouen et 'largissement de l'cluse dacc's au
 bassin du Commerce de Dieppe (133 MF TTC). Lenjeu du projet " Port
 2000 " est de permettre au port du Havre de traiter une part significative du
 trafic conteneuris' sur les liaisons Est-Ouest et de concurrencer ainsi Rotterdam, Anvers
 ou Zeebrugge. Les deux autres projets, sils pr'sentent un int'r't local et
 r'gional certains, ne peuvent 'tre consid'r's comme relevant dune priorit'
 strat'gique au niveau national. N'anmoins, le projet dieppois a 't' retenu et une
 demi-d'cision a 't' prise concernant Rouen, o' lEtat a tranch' in fine en
 faveur dune solution de facilit' interm'diaire. 
 En outre, la Cour a relev' que ni les repr'sentants de
 lEtat au conseil dadministration, ni le contr'leur dEtat ou le
 commissaire du Gouvernement, nont toujours v'rifi' le respect effectif des
 d'cisions prises au niveau national par le conseil de direction du fonds de
 d'veloppement 'conomique et social. Des autorisations demprunts fix'es ont 't'
 contourn'es. Ainsi, pour financer lacquisition de 52,5 MF de terrains ' la
 soci't' Grande Paroisse et en labsence dun autofinancement suffisant, le
 port autonome de Rouen a mis en place en 1993 un montage financier qui ne se conformait
 pas aux autorisations requises : la soci't' Grande Paroisse a accord' au port une
 avance de 41 MF remboursable sur quatre ans. Le conseil dadministration a
 approuv' cette proc'dure contraire ' lesprit et ' la lettre des r'gles de
 contr'le par la tutelle. 
 Enfin, la nouvelle proc'dure du CIES laisse sans
 solution plusieurs probl'mes. Dune part, le suivi des investissements r'alis's et
 leur 'valuation a posteriori ne sont pas effectu's : le CIES autorise mais ne suit pas
 la r'alisation. Dautre part, le processus actuel se fonde sur le principe
 dune intervention annuelle peu adapt'e ' des programmes qui se d'roulent sur
 plusieurs ann'es. Enfin, il masque le r'le d'cisif des ports autonomes, qui
 investissent pour le compte de lEtat. La situation nest dailleurs pas
 tr's diff'rente dans le cas des ports dint'r't national, o' le poids des fonds
 de concours donne aux chambres de commerce et dindustrie un droit de regard d'cisif
 sur la r'alisation des ouvrages. 
 En conclusion, en labsence de politique
 volontariste et s'lective, et dans un contexte de restriction budg'taire, les d'cisions
 dinvestissement sont marqu'es par une grande dispersion des efforts. Face aux
 int'r'ts sectoriels ou particuliers, lEtat est d'pourvu de moyens d'tudes
 et d'valuation suffisants. Il est en outre tenu par une classification des ports
 peu r'aliste, par un code des ports qui loblige ' participer aux d'penses dans
 des proportions pr'fix'es, et par des proc'dures de concertation qui le placent dans
 une situation de forte d'pendance des ports. D's lors, pour 'viter tout probl'me, il
 est souvent amen' ' prendre des d'cisions qui satisfont plus les parties en pr'sence
 quelles ne pr'servent lint'r't g'n'ral. 
 Recommandations 
 - veiller ' ce que la DTMPL conserve les donn'es de
 lex'cution de ses budgets sur une plus longue p'riode, contr'le le caract're
 exhaustif et la coh'rence de ces donn'es sur les derniers exercices et dispose
 danalyses plus fines sur lorigine des fonds de concours par port ; 
 - r'viser les dispositions r'glementaires imposant ' lEtat le remboursement des
 travaux dentretien et dinfrastructures des ports autonomes et lui redonner une
 r'elle capacit' dorientation de la politique portuaire par ses interventions
 financi'res ; 
 - tirer les cons'quences de la r'duction des dotations budg'taires en hi'rarchisant
 les priorit's dinvestissement de lEtat ; fonder les arbitrages (contrat de
 plan, proc'dure du comit' des investissements ' caract're 'conomique et social) sur
 des priorit's affirm'es dans un sch'ma national coh'rent ; renforcer la capacit'
 dexpertise et darbitrage de lEtat en mati're dinvestissement au
 stade de l'laboration des contrats de plan Etat-r'gion ; 
 - effectuer syst'matiquement des contr'les de coh'rence et de vraisemblance sur les
 'tudes pr'alables des projets dinvestissement des ports ; 'tablir une circulaire
 relative aux m'thodes d'valuation 'conomique des grands projets
 dinfrastructure qui soit adapt'e aux projets portuaires et organiser une formation
 sp'cifique sur ce sujet ' lattention des ma'tres douvrage ; faire exercer
 effectivement le r'le de contr'le des commissaires du Gouvernement tel que pr'vu par le
 code des ports maritimes, ou le supprimer sil est jug' quil ny a pas
 lieu de lexercer. 
  
 (31) D'cision n' 92-171 L du 17 d'cembre 1992 du
 Conseil constitutionnel. 
 (32) Source : Office parlementaire d'valuation
 des politiques publiques, La politique maritime et littorale de la France : les ports
 (III), p. 67-68, mars 1998. 
   
 
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