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février 2007
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De nouvelles pistes pour la politique portuaire française
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Les politiques publiques en matière portuaire sont diverses et couvrent à la fois la détermination de la gouvernance, la mise en 'uvre des règles de sécurité et de sûreté, l'encadrement des modes d'exploitation des terminaux, l'accompagnement des projets d'extension, l'articulation intermodale. Plusieurs étages administratifs (collectivités territoriales, Etats, UE) participent selon leurs compétences au bon fonctionnement de ces politiques. Du point de vue national, les rapports de la Cour des comptes sur les ports français (juillet 2006) et du groupe de travail Poséidon (décembre 2006) sur la politique maritime nationale confirment un sentiment relativement général que le monde portuaire français doit changer, car si d'un côté les régions doivent expérimenter la nouvelle voie de la décentralisation, l'Etat doit sans doute repenser sa politique portuaire. Quant au niveau européen, si la directive sur les services portuaires semble mise de côté, la question des ports reste dans l'agenda de la Commission. En cette année d'échéance électorale, il n'est pas inopportun de rappeler que le champ portuaire (fondamental pour notre économie) est un secteur qui mérite un accompagnement à la hauteur des autres pôles de compétitivité nationaux.
La CET, un modèle portuaire français perfectible
Le contexte portuaire français peut être regardé sous différents angles. Le premier est celui des trafics caractérisés par des oscillations conjoncturelles des vracs liquides et secs et une performance mitigée des conteneurs. Le second angle, celui du développement portuaire, est plus positif avec depuis mars 2006 la mise en service du premier terminal de Port 2000 et à l'automne 2006 le lancement des travaux de Fos 2XL.
Ces deux grandes extensions portuaires françaises vont permettre de redonner les capacités nécessaires à la croissance de l'économie maritime française.
1 On ne peut réduire les activités portuaires aux conteneurs. Les ports français manipulent quantité de marchandises et là aussi des efforts d'aménagement doivent être entrepris. Déjà de nombreux ports s'engagent dans le développement de terminaux gaziers et dans la filière des biocarburants. |
2 En comparaison, l'Italie et l'Espagne manipulent 10 M d'evp dont 50% sont du trafic de transbordement. Ces deux pays ont donc plus de conteneurs "nationaux" que la France, cependant si on compte en conteneurs pleins les trois pays font jeu égal avec 2,5 M d'evp. |
3 La Cour des comptes s'interroge sur l'intérêt économique général de participer à la construction de capacité portuaire liée au transbordement. |
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Le Ministre des transports, Dominique Perben, a évoqué en septembre 2006 le chiffre de 10 M d'evp pour les ports français en 20151. En 2006, la France a manutentionné environ 2,8 M d'evp pour son marché national et 0,5 M d'evp en transbordement soit 3,3 M d'evp2. Parallèlement, environ 0,7 M d'evp "français" transiteraient par les ports du Bénélux.
La France veut tripler son trafic de conteneurs et développe ses ports en conséquence puisque dans quelques années la capacité du Havre sera de 6 M d'evp, Marseille 3 M d'evp et Dunkerque 1 M d'evp.
Naturellement, une partie de cette capacité portuaire sera liée à des trafics de transbordement3.
Ce renouveau du conteneur en France repose sur une politique volontariste des ports et des autorités publiques avec la construction de nouveaux sites portuaires, les terminaux en eaux profondes de Port 2000 et l'agrandissement du site à conteneurs de Fos.
Cependant, ces travaux n'ont été permis qu'avec l'engagement direct des opérateurs de manutention et de leurs clients armateurs. Afin de sécuriser leurs investissements, les ports autonomes français devaient attribuer les nouveaux sites à des opérateurs leur assurant de réelles perspectives de trafics (avec mesures incitatives et pénalités). Au final, trois méga-carriers européens se sont engagés, CMA CGM et MSC au Havre et à Marseille, Maersk au Havre.
Pour assurer l'engagement des opérateurs privés, les ports autonomes de Marseille et du Havre ont généralisé le modèle économique de la convention d'exploitation développée préalablement par le Port Autonome de Dunkerque pour ses terminaux charbonnier (Seabulk) et conteneurs (NFTI). CMA CGM - GMP pour le Terminal de France, Maersk - TN pour le Terminal de la Porte Océane mais aussi MSC - TN pour le terminal Bougainville ont signé des conventions d'exploitation des terminaux (CET) au Havre. A Marseille, les signatures des conventions par MSC et Portsynergy (CMA CGM / P&O Ports) ont permis de lancer le processus de construction de Fos 2XL.
La CET implique un commandement unique du terminal, c'est-à-dire que l'exploitant gère l'ensemble des activités du terminal et tous les personnels qui y sont rattachés.
Sans trancher la question du transfert total des agents de conduite et des personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, la convention d'exploitation et l'intégration contractuelle des personnels (accord social de mars 2006 pour Le Havre) représentent pour beaucoup un modèle convenable pour engager la modernisation et la compétitivité de nos ports.
Cependant, il faut signaler la critique de la CET par la Cour des comptes pour son "caractère hybride, entre la convention d'occupation du domaine public et la concession globale". Pour l'instance chargée de veiller aux intérêts financiers de l'Etat, la convention fait peser un "niveau élevé de risque commercial sur l'autorité portuaire qui supporte les charges d'amortissement et d'exploitation des infrastructures" alors même que celles-ci contribuent à la "performance des terminaux".
Toujours selon la Cour, "le partage des risques entre le port autonome et l'opérateur ne donne à aucun d'entre eux la pleine maîtrise économique et financière de l'entité que constitue un terminal. En ne permettant pas une allocation claire des risques, les CET ne garantissent. ni une répartition juste et équitable des gains économiques et financiers des hausses de trafic entre les deux parties concernées, ni une adaptation du montant des fonds publics à la rentabilité socioéconomique des projets". De son côté, le groupe Poséidon admet ce problème.
Plusieurs questions de fonds
Préciser les fonctions portuaires
Le rapport Poséidon affirme que le statut des ports autonomes n'est pas à remettre en cause en citant l'avis en ce sens de la Cour des comptes. En revanche, les établissements portuaires publics ne doivent pas échapper aux règles de "bonne gouvernance" économique avec projet d'entreprise (déjà en cours dans les ports) et comité d'audit.
4 Les conseils d'administration des ports autonomes comportent vingt six membres, pour moitié des représentants des chambres de commerce et d'industrie (2), des collectivités territoriales (5), du personnel du port autonome (5) et des ouvriers dockers (1), et pour moitié des représentants de l'Etat (3) et des personnes choisies parmi les usagers du port (3) ou en raison de leurs compétences dans le domaine maritime et portuaire (7). |
5 Depuis l'abrogation en 2006 de l'article 538 du Code civil, le domaine portuaire ne relève plus maintenant du domaine public. |
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Selon la Cour des comptes, le modèle statutaire français de l'établissement public "ne paraît pas inadapté". En revanche, elle a maintenu la critique faite dans le précédent rapport en 1999 sur les "risques de conflit d'intérêt suscités par la présence de représentants de la place dans les conseils d'administration4 et le choix, en leur sein, du président de l'établissement public". Le privé doit-il être laissé en un simple "conseil de développement économique consultatif" comme l'évoquait le projet de modernisation portuaire avorté en 2003?
Les ports autonomes sont en France, des Etablissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Selon l'administration, l'activité des ports autonomes maritimes est de trois ordres : fonction d'autorité publique, services d'intérêt économique général, activités concurrentielles. Pour la Cour des comptes, en France, la "fonction d'autorité portuaire n'est pas définie" et "la séparation entre les missions d'intérêt général et les activités industrielles et commerciales n'est pas établie". Le rapport du groupe Poséidon invite lui à "départager ce qui est de la compétence de l'Etat, du port et du privé".
Les missions publiques exercées par les autorités portuaires (directement ou au nom de l'Etat) couvrent comme la Cour des comptes le rappelle : la police portuaire, l'aménagement des espaces portuaires et la gestion domaniale5. L'Etat garde par contre la responsabilité de la sécurité, la sûreté et l'accessibilité nautique (dont le dragage). Faut-il alors considérer que l'ensemble des autres activités de nature industrielle et commerciale relève du secteur privé? La Cour des comptes constate le défaut de clarification de l'Etat et l'adaptation de la loi sans doute nécessaire.
Néanmoins, beaucoup de ports estiment avoir besoin d'un levier propre de développement économique en l'absence d'engagement privé. De fait, dans de nombreux ports l'autorité portuaire initie des développements de nouveaux trafics en partenariat avec les acteurs privés. Lors d'un colloque en Belgique, un universitaire néerlandais, P. de Langen, a revendiqué pour le port une fonction de "clustermanagement" des intérêts communs de la place portuaire : marketing, formation, informatique.
Un rapport public privé sans dogme
Les ports évoluent dans un contexte économique particulier par la combinaison parfois confuse entre le privé et le public. Le principe de base pourrait être que les infrastructures relèvent de l'autorité portuaire dans sa mission d'aménagement et d'accessibilité alors que les superstructures (outillage, entrepôts) dont l'activité est purement commerciale relèvent du privé.
Le secteur privé pourrait-il alors être maître de l'exploitation des terminaux en France? L'Union Nationale des Industries de Manutention (UNIM) le souhaite avec "commandement unique" de l'ensemble des personnels.
Ce commandement unique trouve un écho plus large par la voix du président de l'Union des Ports Autonomes et des CCI Maritimes qui le juge indispensable.
Pour l'UNIM il n'existe que deux alternatives pour les ports. Soit, ils garantissent des prestations compétitives dans la fourniture et la maintenance de l'outillage de manutention. Soit les ports engagent la dissociation entre la propriété et l'exploitation.
L'objectif des propositions des différents rapports est d'impliquer les acteurs privés dans nos ports, cependant leurs investissements ne seront faits que si la rentabilité est assurée. C'est bien parce que la rentabilité fait défaut et que le privé ne peut assurer ce type d'activité déficitaire que bien souvent les ports autonomes doivent rester les acteurs primordiaux de certains terminaux.
L'exploitation des terminaux déficitaires pose problème.
La Cour des comptes constate notamment la persistance des déficits de l'activité d'outillage dédié aux conteneurs dans tous les ports français avec même pour les ports de faible volume d'activité une impossibilité "d'amortir l'achat et le fonctionnement des outillages". Ce constat est valable pour d'autres marchandises. Jusqu'à présent, l'ensemble des activités portuaires est considéré globalement ce qui amènent certains chargeurs (notamment de vracs liquides) à subventionner les activités déficitaires.
La Cour des comptes rappelle "l'entrée des ports autonomes maritimes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 40 M' dans le champ d'application de la directive 2000/52/CE du 26 juillet 2000 relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques". Ce fait "implique l'obligation de séparation comptable des activités qui en résulte" et donc la nécessité de dissocier "les activités d'autorité publique ou d'intérêt économique général" de celles qui "présentent un caractère concurrentiel".
La Cour des comptes prévient que la "séparation comptable des activités va ainsi mettre en lumière le caractère déficitaire de certaines fonctions d'exploitation exercées par les ports". Le comblement des déficits relève donc d'aides indirectes de l'Etat au secteur privé de la manutention, ce qui est interdit par les règles communautaires.
Au final, l'activité de terminaux portuaires qui participe du champ économique doit-elle relever d'un nouveau type juridique de structure, qui peuvent être par exemple des entités privées à capitaux publics ou mixtes (société de gestion portuaire) exploitant ou concédant les terminaux? J. Chapon et R. Rezenthel6 évoquent la filialisation des activités publiques à caractère industriel et commercial pour peu que l'Etat adapte la réglementation. La Cour des comptes soulève la question des outillages avec "obligation de service public" pour les cas où l'autorité publique déciderait que l'intérêt général demande un accompagnement de l'accessibilité des marchandises.
La question sociale, consensus ou rapport de force
La réforme de la manutention de 1992 a largement contribué à ramener la paix sociale sur les quais français en faisant évoluer le statut des dockers. La Cour des comptes rappelle qu'une nouvelle question sociale pèse sur les ports français dans leur image et leur performance7. Le rapport Poséidon rappelle l'exigence de productivité des terminaux et les coûts de passage. Les opérateurs de manutention souhaitent sortir du cadre contraignant du statut des personnels portuaires liés à l'outillage. La Cour des comptes souligne la "résistance des personnels face à toute évolution perçue comme un désengagement des établissements publics d'une mission qualifiée de service public". En effet, le syndicat majoritaire des personnels portuaires considère les infrastructures et les services liés aux transports (mais aussi à l'énergie) comme ne relevant pas du marché mais de l'intérêt économique général. Cette lecture qui fut celle aussi de l'Etat pendant une cinquantaine d'années est naturellement à l'opposé de la conception communautaire de l'activité portuaire s'exerçant dans un marché libre et concurrentiel. Seul un dialogue long et souvent passionné permet de contractualiser les relations entre salariés et exploitants de terminaux. Les contrats signés à Dunkerque, Le Havre et Bordeaux montrent que le consensus est possible à l'échelle du terminal dans un climat portuaire global guère pacifié.
Un besoin de clarification européenne de fond
À vrai dire, il serait sans doute fondamental que l'UE audelà de son credo libéral prenne à bras le corps la question portuaire dans la définition claire des champs publics (Etat, autorité portuaire) et privés. Soit une définition précise et commune de ce qui relève des missions d'intérêt collectif (accessibilité des marchandises et des navires, sécurité / sûreté) et de ce qui relève des activités économiques (services aux navires et aux marchandises) dans le cadre de contrats commerciaux.
Au plan européen, les deux échecs de libéralisation des services portuaires sont admis par la Commission. Néanmoins, sa Direction Générale des transports va mener entre l'automne 2006 et le printemps 2007 des ateliers thématiques sur les ports qui traiteront notamment du financement et des activités portuaires. Un des objectifs généraux de cette "radiographie des ports" doit être la transparence financière réclamée par les opérateurs privés européens de la FEPORT. Les autorités portuaires européennes regroupées dans l'ESPO une opportunité dans cette consultation mais l'organisation ne veut pas de directive unique pour souhaiter des approches plus pragmatiques.
Quelle place pour les collectivités locales?
6 Jean Chapon et Robert Rézenthel, L'administration portuaire partagée entre pouvoir régalien et pouvoir économique, Journal de la Marine Marchande, 22 décembre 2006. |
7 La thématique sociale ne doit pas cacher le problème des outils anciens et coûteux (évoquée par le rapport Smagghe en 2002) qui freinent aussi la compétitivité des ports français. |
8 Doit-on considérer l'apport des collectivités territoriales comme une participation au capital ou une simple subvention aux investissements? |
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Actuellement, les ports ne sont que partiellement financés par l'Etat alors que les collectivités locales (région, département) sont actives dans les travaux d'infrastructures et d'acquisition d'outillage. À l'inverse, les ports dégagent des recettes d'exploitation et domaniale, ils reversent des dividendes à l'Etat (12,7 M en 2005). Ce qui conduit certains à s'interroger sur le fait que les collectivités locales transfèreraient indirectement des fonds à l'Etat8. Pour Port 2000, les collectivités ont investi 101 M ', pour Fos 2XL elles amèneront 27,4 M', alors que pour Donges Est, leur apport dans le contrat de plan Etat Région Pays de la Loire 2000-2006 était double (40%) à celui de l'Etat (20%).
La Cour des comptes recommande que "l'Etat réforme la gouvernance des ports de façon à ce que la principale collectivité publique porteuse du projet de développement de la place portuaire y dispose d'un pouvoir effectif d'impulsion et de direction". Cette remarque concerne les collectivités territoriales dont les contributions représentent selon la Cour la moitié des financements externes des ports autonomes contre un tiers pour l'Etat.
Une politique d'Etat pour les ports
L'absence d'une stratégie portuaire nationale lisible
Le rapport de la Cour des comptes a été relativement direct. Il souligne le sous investissement français dans les ports maritimes et plus précisément entre le deuxième choc pétrolier et la fin des années quatrevingt-dix. L'Etat ne contribue plus qu'à hauteur de 12 % au financement global des investissements des ports autonomes et de 24 % à celui des seules infrastructures9. Les infrastructures d'Etat relevant du statuts d'EPIC ne sont plus très nombreuses (les ports autonomes et RFF) puisque Aéroports de Paris a été changé en société anonyme.
L'investissement portuaire en France serait depuis 2000 de 150 M '. Il devrait être selon l'UPACCIM de 300 M ' pour les cinq prochaines années en intégrant les volets d'accès intermodaux. Durant cette période, plusieurs contrats de projet entre l'Etat et les régions comporteront des volets portuaires avec, dans plusieurs cas le report des engagements de l'Etat du précédent contrat de plan (Donges Est pour les Pays de la Loire, Fos 2XL pour PACA, Anse St Marc à La Rochelle pour Poitou-Charentes).
9 Depuis 2004, c'est l'Agence de financement des infrastructures de l'Etat est chargé des investissements de transport |
10 Beaucoup attendent aussi de l'Etat un cadre global pour la question territoriale des ports. La protection environnementale nationale et communautaire a réduit leurs capacités d'extension. La gestion intégrée est posée comme une base de notre modèle de développement sociétal (Livre vert sur l'Europe de la Mer) et c'est à |
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Plus grave est sans doute la critique de la Cour des comptes après celle du Conseil Général des Ponts et Chaussés (décembre 2003) sur l'insuffisance du pilotage global et stratégique de l'Etat et d'orientation par objectifs. Le rapport Poséidon présente clairement l'enjeu portuaire français, suite à la décentralisation des ports d'intérêt national : "le recentrage de l'action et des crédits de l'État sur les ports autonomes doit être l'occasion de donner une nouvelle impulsion et une nouvelle cohérence à cette politique".
Pour le rapport Poséidon "l'Etat doit assumer pleinement ses missions d'impulsion et de tutelle". Il doit à la fois laisser de la liberté d'action aux ports et exiger des contrats d'objectifs et des stratégies précises. Pour répondre aux objectifs nationaux des ports, le rapport Poséidon demande la définition d'une politique d'investissements lourds sur 15 ans adaptée à chaque port et inscrire cette démarche dans un processus contractuel avec l'Etat tout en coopérant et coordonnant leur développement entre eux10.
Cependant, le développement portuaire ne s'arrête pas aux barrières du port. Celui-ci est une interface logistique dans une chaîne intermodale. La Cour des comptes et le groupe Poséidon rappellent que l'outil portuaire doit être inséré dans des réseaux d'infrastructures intermodales (route, rail, fluvial).
Depuis plusieurs années, les ports et les acteurs privés agissent pour développer les services fluviaux et ferroviaires. Pour des raisons d'intérêt général, l'Etat doit assurer l'intermodalité vers des modes de transport terrestres autres que la route ce qui demande une politique globale et des investissements.
La complexe hiérarchisation du réseau portuaire français
Le rapport de la Cour des comptes constate la priorité "de fait" de développement accordée à Marseille et au Havre, ce qui plaide pour un traitement "différencié" des ports en fonction de leur situation concurrentielle et de leur vocation plus généraliste. Le rapport Poséidon affirme que "l'économie française a besoin de grands ports généralistes et d'un réseau de ports sur chacune des façades".
Les deux rapports sont d'accords que les sept ports autonomes français "ne sont pas dans une situation similaire au regard de la concurrence internationale". Il faudrait donc concentrer les investissements sur les "deux ou trois ports" soit Le Havre, Marseille et Dunkerque. Le rapport Poséidon reprend même les prescriptions de la Cour des comptes en évoquant la "décentralisation" des cinq autres ports autonomes.
Le rapport Poséidon (comme un peu avant lui celui de la Cour des comptes) revendique la recherche de "spécialisation" des ports français et notamment la nécessité de "renforcer le positionnement des autres ports [hors Marseille et Le Havre] sur leurs niches de spécialisation ou, le cas échéant, de les encourager à en développer de nouvelles". De fait, il existe des grandes dominantes bien maîtrisées dans nos ports mais souvent dans un contexte concurrentiel intra français.
Au-delà de la spécialisation des ports d'Etat, c'est de la hiérarchisation du réseau portuaire français qu'il est question. Elle apparaît clairement pour le conteneur qui est aujourd'hui une affaire de réseaux créant un "ordre" portuaire spécifique. Cependant, cet ordre tendant à une poignée de supers opérateurs maritimes et portuaires, les Etats doivent veiller aux abus de position dominante afin de laisser le marché "ouvert".
La spécialisation est moins claire pour les autres trafics qui répondent à des besoins de l'hinterland et du secteur privé. Les collectivités territoriales dans leur politique d'appui au développement économique sont des partenaires naturels. Il existe de fait une relative contradiction entre une logique de marché et une stratégie nationale de spécialisation car cette dernière implique de fait hiérarchisation, planification et rationalisation des apports financiers.
Désormais, l'Etat va mettre en avant une politique de quelques grands aménagements majeurs mais réduits, Port 2000 et Fos 2XL pour les conteneurs, éventuellement Donges Est (Nantes Saint-Nazaire) laissant au port et au privé le soin de développer les filières portuaires industrielles et logistiques (gaz, biocarburants, niches industrielles').